Document technique à l'usage des candidats juges et experts
confirmateurs
Introduction
Ce chapitre se propose de fournir les bases nutritionnelles
pratiques qui pourront être, non seulement'
appliquées au quotidien en élevage mais aussi transmises aux acquéreurs de
chiots.
Le rationnement alimentaire en élevage canin doit permettre
de fournir à chaque animal une ration adaptée à son comportement alimentaire, à
ses aptitudes digestives, à son stade physiologique ou pathologique tout en
respectant une appétibilité et un coût raisonnables. Ainsi, idéalement, chaque
chien ayant des besoins et des aptitudes qui lui sont propres devrait pouvoir
bénéficier d'un rationnement individuel adapté chaque jour à la variation de
ses exigences. Il est naturellement utopique dans les grands effectifs de
traiter chaque cas séparément et, par souci de simplification, nous
distinguerons, dans un élevage de chiens, quatre catégories d'animaux
justiciables de formulations différentes :
Les femelles en fin de gestation et en lactation
Les chiots en croissance
Les chiens entraînés au travail ou au sport (avec des
variations en fonction du type de sport)
Tous les autres chiens (étalons, lices en début de
gestation, femelles en chaleurs, mâles à l'entretien...) L'alimentation devra
en outre s'adapter, au sein de chaque catégorie, à toutes les variations
individuelles (qualitatives ou quantitatives) qui pourraient survenir au cours
de ces différents stades physiologiques (survenue d'une maladie, d'un accident
ou simplement d'une période d'anorexie).
ALIMENTATION DES CHIENS A L'ENTRETIEN
L'alimentation des chiens adultes à l'entretien doit couvrir
les besoins énergétiques et nutritionnels d'individus ayant une activité
physique qualifiée de "normale" pour la race considérée en dehors de
tout contexte pathologique (diarrhée, vomissement, allergie etc.) ou
exceptionnel (températures extrêmes).
L'abreuvement, trop souvent négligé, reste un élément
primordial de l'alimentation. De façon schématique, on peut retenir les points
de repère suivants :
L'eau est le premier nutriment indispensable (avant les
protéines, les glucides, les lipides, les vitamines et les minéraux)
La consommation journalière d'eau doit représenter 3 fois la
quantité de matière sèche ingérée, soit environ 60 ml d'eau par kilo de poids
de l'animal, soit encore 1 ml par kilocalorie ingérée. Ainsi, un chien de 20 kg consommant 1500 kcal/j
d'un aliment à 4000 kcal/kg devra boire environ 1 litre d'eau à
l'entretien. Cette notion permettra à l'éleveur de déceler à temps certaines
maladies qui débutent par une augmentation de la soif (infection utérine,
vieillissement rénal, diabète sucré etc.)
On peut facilement se faire une idée des besoins
énergétiques d'un chien à l'entretien en fonction de son poids par
l'application de la formule approximative suivante :
BEE (Besoin Energétique d'Entretien en kcal) = 156 P 2/3) P
représentant le poids du chien en kg
Ainsi, connaissant le besoin énergétique du chien, la
densité énergétique de l'aliment servira à estimer la quantité journalière à
lui distribuer. On devra par exemple fournir à un chien de 30 kg à l'entretien environ
1600 kcal, soit 400
grammes par jour d'un aliment à 4000 kcal par kg.
Il est conseillé de vérifier ensuite que les besoins
protéiques sont couverts par le calcul du rapport protido-calorique (RPC = part
de l'énergie provenant des protéines) qui doit avoisiner 60 pour les races de
taille moyenne.
RPC= g de protéines/apport calorique (en Mégacalories = 1000
kcal)
Dans la pratique, pour que la ration préconisée donne
satisfaction, il faut qu'elle soit consommée en totalité par le chien, qu'elle
n'entraîne aucun trouble digestif et ne soit source ni d'amaigrissement, ni
d'embonpoint. Les outils de contrôle de l'éleveur restent la balance et
l'observation directe des selles. Il pourra par exemple apprécier le volume,
l'odeur et la consistance des déjections mais aussi la digestibilité de
l'aliment qui, pour être adapté, doit conduire à l'obtention de 50 à 70 grammes d'excréments
pour 100 grammes
de matière sèche ingérés (sachant qu'un aliment sec ne contient généralement
pas plus de 10% d'eau).
Un léger accroissement pondéral (de l'ordre de 5%) semble
tolérable et même conseillé en début de phase d'entraînement pour compenser
l'accroissement des besoins énergétiques d'effort.
ALIMENTATION DES CHIENS A L'EFFORT
De façon très schématique, l'organisme à l'effort fait appel
à trois phases successives de dépense énergétiques. Il en découle que
l'adaptation alimentaire dépendra du type d'effort entrepris par l'animal
(bref, mixte ou d'endurance).
La première étape consomme de l'énergie déjà présente dans
le muscle (ATP) qui y est valorisée en l'absence d'oxygène (anaérobiose) avec
un excellent rendement. Quand les réserves d'ATP s'épuisent (10 à 30 secondes),
la seconde étape prend le relais pendant quelques minutes. Elle se déroule
également en l'absence d'oxygène mais fait appel à d'autres substrats
énergétiques (glucose sanguin, glycogène musculaire et hépatique) dont la dégradation
conduit à l'accumulation d'acide lactique (principal facteur limitant de
l'effort) avec un rendement moins élevé.
Ces deux phases métaboliques permettent de fournir
rapidement à l'organisme l'énergie dont il a besoin avant que les adaptations
cardio-vasculaires n'aient eu le temps de se mettre en place. A titre
d'exemple, les chiens de ring fournissant un effort de 2 à 3 minutes se situent
dans ce cadre métabolique.
Une fois les adaptations physiques mises en route, le
troisième circuit qui "brûle des graisses" en présence d'oxygène,
pourra s'enclencher. Malgré son faible rendement, il permet un effort long si
l'animal a été bien préparé aux plans physique et alimentaire (cas des chiens
de traîneaux par exemple).
Exemples d'activité
|
effort bref
|
effort intermédiaire
|
effort d'endurance
|
|
(anaérobiose alactique)
|
(anaérobiose lactique)
|
(aérobiose)
|
Saut
|
+++
|
+
|
0
|
Attaque courte
|
++
|
++
|
+/-
|
Course de lévrier
|
+
|
+++++
|
++
|
Agility
|
0
|
++++
|
++
|
Concours en ring
|
0
|
+++
|
+++
|
Chasse
|
0
|
0
|
++++
|
Adaptations alimentaires (par rapport à l'entretien
|
↑ glucides (jusqu'à 50% de la MS)
30 à 35% Protéines
10% lipides
faible taux de cellulose
< (2%)
|
↑ lipides (jusqu'à 35%)
30 à 35% protéines
25 à 30% glucides
< 2% cellulose
|
↑ lipides (jusqu'à 40%)
↑ protéines (jusqu'à 40%)
↓ENA (moins de 15%)
< 2% cellulose
|
(ENA = Extractif Non Azoté = Glucides)
Si l'on admet qu'un chien de 25 kilos a des besoins
énergétiques d'entretien de 1400 kcal, ce même chien en période d'utilisation
aura des besoins énergétiques multipliés par 1,5 à 2 en fonction du travail
demandé. Dès lors, on aura le choix entre l'augmentation de sa ration
quotidienne ou le passage à un aliment de densité énergétique supérieure. Le
simple accroissement de la quantité d'aliment d'entretien s'avère souvent
inadapté car le chien risque d'en laisser une partie dans sa gamelle par excès
d'encombrement gastrique ce qui conduit à un double déficit qualitatif et
quantitatif .La solution passe donc par l'accroissement de la densité
énergétique de la ration soit par le biais des glucides (efforts courts), soit
par celui des lipides (efforts mixtes ou longs) et un entraînement progressif à
l'utilisation de tels aliments. Pour ce faire, on devra respecter une phase de
transition alimentaire et physique progressive (quelques semaines) avant et
après la période d'effort en mélangeant les aliments d'entretien et d'effort en
proportion du travail fourni.
ALIMENTATION DES CHIENNES REPRODUCTRICES La période
d'oestrus
La période d'oestrus dans l'espèce canine n'impose pas
d'exigences particulières contrairement à d'autres espèces comme les bovins ou
les ovins. Par extrapolation, le « flushing » chez la chienne consistera
simplement à vérifier pendant cette période que l'alimentation lui apporte bien
tous les éléments indispensables aux synthèses hormonales (notamment le
cholestérol et tous les précurseurs et cofacteurs nécessaires à la synthèse des
hormones stéroïdiennes). En effet, peu de carences alimentaires peuvent être
tenues pour responsables des troubles de l'ovulation, à moins qu'elles ne
s'extériorisent déjà cliniquement.
En résumé, l'alimentation préparant à l'oestrus doit
permettre de favoriser la ponte ovulaire, de compenser la perte d'appétit
fréquemment observée pendant la quête active du mâle et d'éviter une obésité
préjudiciable à l'extériorisation des chaleurs (syndrome adiposo-génital
responsable de chaleurs silencieuses)
La gestation
Pendant les cinq premières semaines, la gestation ne conduit
pas non plus à un accroissement sensible de la demande nutritionnelle. En
revanche, l'important développement pondéral et squelettique des foetus à
partir de la 6ème semaine de gestation conduit à une augmentation progressive
des besoins protéiques, énergétiques et minéraux bien que le volume gastrique
disponible soit diminué par l'encombrement abdominal lié au volume des chiots.
Dans la dernière semaine, l'accroissement de la demande deviendra
contradictoire avec la chute de l'appétit ce qui imposera une modification de
la densité énergétique, de la qualité gustative et nutritive de la ration ainsi
que des modalités de distribution des repas. Quelques points de repère sont
utiles à connaître :
augmenter d'environ 10% /semaine les apports alimentaires à
partir de la 6ème semaine (en augmentant la fréquence des repas et la densité
énergétique de la ration)
le poids de fin de gestation de la lice ne doit pas excéder
120% de son poids d'entretien (110% chez les races géantes, 130% chez les races
naines) si l'on ne veut pas risquer de difficultés à la mise-bas par
encombrement graisseux de la filière pelvienne.
La lactation
Contrairement aux deux périodes précédentes, la lactation va
provoquer un accroissement considérable de la demande nutritionnelle tenant à
la richesse exceptionnelle du lait de chienne (environ 1200 kcal/kg de lait). Naturellement,
ces besoins dépendront du nombre de chiots et de leurs besoins de croissance
liés au format de la race.
Beaucoup d'éleveurs préfèrent à ce stade nourrir leurs
chiennes ad libitum si celle-ci est capable de se réguler et que l'aliment peut
être laissé en permanence (aliment sec). En effet, les risques d'apparition
d'une obésité deviennent minimes pendant la lactation. De plus
cette technique aura l'avantage de favoriser le sevrage progressif des chiots
qui auront libre accès à la gamelle maternelle alors même que leurs besoins
nutritionnels qualitatifs deviendront sensiblement identiques à ceux de leur
mère allaitante. Chez la chienne, l'on peut estimer la production laitière
totale par l'équation suivante :
PT=1,9P+ 0,1(N-4)P
où P représente le poids de la mère et N son nombre de
chiots.
Ainsi, pour une chienne de 25 kg ayant mis au monde 6
chiots, on pourra estimer sa production laitière à 1,9x25 + 0,2x25 =50 litres
soit plus de 8 litres
par chiot.
La production maximale de cette chienne au pic de lactation
(vers la 3ème semaine) atteint alors 2 litres par jour. Une autre estimation des
besoins énergétiques de la mère peut être obtenue en ajoutant à sa ration 250
kcal par kg de chiot allaité, formule évidemment dangereuse car les besoins
énergétiques des chiots ne sont naturellement pas linéaires.
En tout état de cause, les besoins alimentaires de la lice
allaitante peuvent être triplés, voire quadruplés au moment du pic de
lactation, imposant un fractionnement des apports quotidiens en 3 repas ou plus
et un accroissement important de la densité énergétique de l'aliment. Une
femelle allaitant plus de 4 chiots devrait systématiquement disposer d'une
alimentation à plus de 4200 kcal/kg de MS.
Le juge de paix demeure là encore la balance, la perte de
poids ne devant pas excéder 5% après un mois de lactation et récupéré dans le
mois qui suit le sevrage des chiots.
LES CHIOTS EN CROISSANCE
A l'inverse des chiots de petites races, les chiots de
grandes races seront sevrés pendant une période de forte exigence alimentaire.
Si l'éleveur dispose de courbes de croissance de référence pour la race élevée,
il lui sera facile de contrôler régulièrement le poids de ses chiots et
d'adapter la ration à leur besoin énergétique de croissance :
% du poids
|
|
|
|
|
|
adulte
|
0 à 40.-
|
40 à 50
|
50 à 70
|
70 à 80
|
80 à 99
|
coeff
|
3 (allaitement
|
|
|
|
|
multiplicateur
|
artificiel avant
|
|
|
|
|
/BEE
|
sevrage) à 2
|
1,75
|
1,5
|
1,35
|
1,2
|
|
(post-sevrage)
|
|
|
|
|
Ainsi un chiot pesant 9 kg à 3 mois (soit environ 35% de son poids
adulte estimé) aura des besoins énergétiques de croissance 2 fois supérieurs à
ceux d'un chien adulte de même poids (700 kcal) soit 1400 kcal, ce qui correspond
à environ 400 grammes
d'un aliment sec à 3200 kcal/kg.
Cette réflexion fournira à l'éleveur quelques points de
repères qui pourront lui être utiles pour le choix de ses aliments, les
prévisions de stockage et les conseils qu'il pourra prodiguer à ses clients
sans perdre de vue que le simple examen d'une étiquette ne fournit que très peu
de renseignements utiles pour l'analyse critique des aliments industriels.
|