Document technique à l'usage des candidats juges et experts
confirmateurs
La prophylaxie (de « pro » = pour, et « phylaxie » =
réaction) se définit comme l'ensemble des moyens destinés à prévenir
l'apparition de maladies, qu'elles soient infectieuses, métaboliques,
génétiques ou parasitaires. Or, les risques d'émergence d'une maladie en
élevage sont directement reliés à l'effectif hébergé sur le même site par la fameuse
formule E = n2 - n (ou E = possibilités d'échanges entre les pensionnaires, et
n = effectif total vivant sur le même site). A titre d'exemple, si 2 chiens A
et B sont hébergés dans le même box, il n'existe que deux (22 - 2 = 2)
possibilités d'échange entre ces deux chiens : du chien A vers le chien B et,
réciproquement, du chien B vers le chien A. Si l'on élève 10 chiens dans ce
même box, les possibilités d'échanges (et donc les risques de transmission de
maladies) s'élèvent alors à 102 - 10 = 90, c'est-à-dire 45 fois plus qu'avec
deux chiens. Cette simple formule qui s'applique aussi bien aux maladies
infectieuses que parasitaires révèle donc toute l'importance d'une prophylaxie
raisonnée en chenil qui concerne aussi bien la disposition des locaux et le
respect d'une quarantaine que l'établissement de plans de nettoyage, de
vaccination et de traitement antiparasitaire. Par ailleurs, la maternité étant
le cœur et le principe même de l'élevage, nous insisterons particulièrement sur
la prévention de la morbidité et de la mortalité néonatale en chenil.
Intérêts d'une quarantaine en élevage
La quarantaine est un terme qui fait encore peur aux
éleveurs qui pensent que, pour être efficace, celle-ci doit durer 40 jours,
voire 6 mois...
En réalité, la quarantaine peut durer seulement quelques
jours et même, si les locaux ne s'y prêtent pas, être réalisée chez un voisin.
Les objectifs de la quarantaine sont les suivants :
« mise en examen » de l'animal nouvellement introduit dans
l'élevage et dont le statut sanitaire reste, par conséquent, indéterminé. On
profitera de cette période pour demander, au minimum, une coproscopie parasitaire.
Visite d'achat à la recherche d'éventuels vices
rédhibitoires ou vices cachés et mise à jour du carnet de vaccination
Mise en contact avec le pensionnaire le plus ancien de
l'élevage afin d'habituer le nouvel arrivant au microbisme ambiant. Cet
objectif de la quarantaine est trop souvent oublié.
Traitement antiparasitaire (interne et externe) adapté aux
parasites décelés par les examens clinique et coproscopique.
La plupart des maladies infectieuses ou parasitaires
s'installent en élevage à la faveur de l'introduction d'un nouvel arrivant non
contrôlé. Il est pourtant beaucoup plus difficile d'assainir une aire de
détente contaminée par des formes de résistance de parasites que de traiter un
animal excréteur en quarantaine. Il suffit de quelques jours de quarantaine
pour effectuer correctement cette mise sous surveillance.
Conception des locaux
L'architecture d'ensemble du chenil et la conception des
lieux de vie doivent faciliter l'application des grands principes de prévention
qui visent toujours à barrer la route aux contaminations et, au minimum, à
limiter leur extension.
Principe de la crasse propre et de la crasse sale
Le premier principe est un jeu très simple pour l'éleveur
inspiré d'un célèbre sketch de Coluche qui consiste à localiser ce que l'on
appelle la « crasse propre » et la « crasse sale » : on appellera « crasse
propre », les souillures propres à l'élevage (exemple : locaux d'élevage,
maternité et même la fosse à déjections si celle-ci ne renferme que les
excréments des chiens de l'élevage) et « crasse sale » toutes les souillures
étrangères à l'élevage et donc a priori suspectes (exemple : un visiteur, une
chienne pour une saillie, un chien de pension, un chien "à toiletter, un
livreur qui provient d'un autre élevage, même si tous ces individus sont
visiblement « propres sur eux»). Tout éleveur doit être capable d'identifier de
cette façon les secteurs de son élevage (maternité, quarantaine, lazaret, boxe
de saillie, fosse à lisier, pension, toilettage etc.) et d'en déduire un mode
de conception et de fonctionnement destiné à protéger l'élevage.
Agencement des locaux
Les secteurs dits « propres » seront placés au vent alors
que les secteurs dits « sales » seront placés sous le vent de façon à limiter
les risques de contagion passive par voie aérienne. En effet, l'air doit être
considéré comme un simple vecteur passif qui peut transporter des levures, des
moisissures ou des spores bactériennes mais les conditions ne sont généralement
pas favorables à leur multiplication.
Par ailleurs, une bonne orientation des courettes par
rapport au soleil doit également permettre de limiter l'humidité et l'obscurité
qui sont deux facteurs favorables au développement ou à la résistance de
nombreux agents pathogènes.
Principe de la marche en avant
Les étapes du nettoyage doivent s'inspirer du fameux
principe de la marche en avant qui consiste à commencer le nettoyage par les
secteurs à risque (maternité) pour terminer par les plus « sales » (quarantaine
par exemple). Naturellement, si un épisode infectieux survenait en maternité
(ex : avortement brucellique), ce local ne devra plus être considéré comme un
secteur propre mais comme un lazaret, c'est-à-dire une infirmerie pour
individus contagieux.
Toutefois, le principe de la marche en avant ne se limite
pas à ce concept : il peut également s'appliquer au mode de nettoyage
(commencer par le plafond pour terminer par le sol) mais aussi aux flux aériens
(une maternité en surpression limite efficacement les risques d'entrée de
germes pathogènes par voie aérienne).
Prévention des affections néonatales Sélection des
reproducteurs
Tous les éleveurs ont constaté que la mortalité néonatale
augmentait statistiquement avec le rang de portée des lices à partir d'un âge
moyen. Ce phénomène est probablement lié à la fréquence des séquelles d'anoxie
chez les chiots consécutive aux inerties utérines primaires si souvent rencontrées
chez les reproductrices âgées. Pour limiter ces risques, certains éleveurs
réforment leurs reproductrices (hormis leurs lices d'élite) lorsque celles-ci
sont atteintes par la limite d'âge estimée à partir des statistiques raciales
et sélectionnent leurs reproductrices sur leur prolificité et leurs qualités
maternelles. L'excès de consanguinité agit plus sur la baisse de prolificité
des lices et de la qualité de la semence des mâles (augmentation du pourcentage
de formes anormales) que sur la viabilité des chiots. En effet, les excès de consanguinité
augmentent les risques de révélation des tares récessives qui se traduisent
soit par des malformations congénitales, soit par des absences de nidation
lorsque l’homozygotie s'avère létale. A titre d'exemple, les fissures palatines peuvent être
transmises selon un mode autosomal récessif et l'augmentation brutale de leur
incidence peut être évocatrice d'un excès de consanguinité.
Prévention alimentaire
Le poids d'un nouveau-né est un indicateur des échanges foeto-maternels
au cours de la
gestation. Chez le nourrisson, les retards de croissance
intra-utérins sont essentiellement reliés à des causes maternelles. Dans
l'espèce porcine, une étude sur 1848 porcelets à la station porcine de
Guernévez (CAUGANT & GUEBLEZ, 1993) a montré que la viabilité des porcelets
avant sevrage était corrélée à leur poids de naissance. Dans l'espèce canine,
les observations sont comparables et si l'alimentation agit peu sur la
fécondité, la prolificité et sur le début de la gestation chez la chienne, elle
devient un facteur prépondérant de la santé des chiots lors de la lactation.
La prévention alimentaire consiste à adapter qualitativement
et quantitativement la ration maternelle aux besoins physiologiques de la
gestation et de la lactation qui sont eux-mêmes estimés à partir du nombre de
chiots et du GMQ (gain moyen quotidien) dans la race. L'apport
énergétique doit tenir compte de la réduction de la capacité gastrique de la
femelle gestante (augmentation de la densité énergétique de l'aliment) et
permettre la constitution des réserves glycogéniques hépatiques des chiots sans
pour autant favoriser le dépôt graisseux dans la filière pelvienne maternelle.
Une attention particulière doit être portée au taux de
vitamine A dont les excès sont susceptibles d'induire des fissures palatines,
des déformations de la queue, des oreilles et du rachis, des momifications
foetales et de la mortalité néonatale, la période de susceptibilité maximale se
situant entre le 17ème et le 22ème jour de gestation. L'excès de vitamine D
prédisposerait quant à lui à des calcifications des tissus mous, des sténoses
valvulaires et une fermeture prématurée des fontanelles. Quant au calcium, une
supplémentation excessive et précoce au cours
de la gestation peut prédisposer la mère aux éclampsies pré
ou post-partum responsables respectivement de mise-bas prématurée et
d'écrasement accidentel des chiots.
Citons pour les éleveurs qui nourrissent encore leurs
reproductrices avec des carcasses de poulet broyées crues qu'ils cumulent les
risques de déséquilibre minéral (excès calciques), de parasitisme ou encore
d'affections bactériennes telles que la campylobactériose responsable
d'avortements, de diarrhées et de septicémies néonatales.
Prévention des dystocies
Une étude sur les causes et les conséquences de la dystocie
canine menée sur 182 cas cliniques (WALETTE & DARVELID, 1994) aboutit aux
conclusions suivantes :
42% des chiennes dystociques avaient déjà présenté le même
trouble au cours de leurs précédentes mise-bas.
52,2% des portées de ces chiennes ont subi des mortalités
néonatales.
Ces résultats illustrent non seulement que la dystocie est
un facteur favorisant de mortalité néonatale, ce dont on pouvait se douter,
mais aussi qu'il est préférable de réformer les lices ayant présenté une
dystocie, à moins que celle-ci admette une cause exceptionnelle évidente
(obésité notoire, immaturité de la filière pelvienne etc.). Paradoxalement, ces
auteurs n'ont pas observé dans cet effectif de prédisposition d'âge ou de race
alors que les races brachycéphales sont connues pour être des candidats à la
dystocie de même que les chiennes âgées ou de petite taille.
Toujours selon cette étude, la dystocie serait d'origine
maternelle dans 75,3% des cas (essentiellement par atonie utérine primaire),
les autres étant attribuées à une origine foetale. D'autre part, le volume des
foetus étant souvent inversement proportionnel à leur nombre (contrainte
utérine), il convient de surveiller particulièrement la mise-bas des gros
chiots issus de portées peu nombreuses. Contrairement à une idée reçue, les
chiots les plus gros ne sont donc pas plus résistants que les chiots de taille
normale car ils ont plus de risques d'avoir souffert d'anoxie à la naissance.
La mise en place précoce du traitement médical (gluconate de
calcium, ocytocine) après le diagnostic d'atonie utérine primaire influence
également le taux de survie. Toujours d'après ces auteurs, parmi les 22,3% de mortalités
néonatales imputables à ces dystocies, seuls 5, 8% font suite à un traitement
précoce (entre 1A heure et 4 heures après le diagnostic) contre 13,7% lorsque
le traitement a été initié entre 5 et 24 heures. Ces résultats montrent que la
souffrance foetale débutant in utero lors du décollement placentaire est un
facteur de risque supplémentaire compromettant la survie des chiots.
Prévention des anomalies congénitales
La période la plus sensible à l'action tératogène des
médicaments est naturellement la phase d'embryogenèse qui correspond à la
différenciation tissulaire (17 à 21 jours). Cependant, le foetus peut aussi
être exposé plus tard aux risques de malformation de certains organes à
différenciation tardive comme le palais, le cervelet ou encore l'appareil
urinaire. La liste des produits tératogènes dans l'espèce canine, de leurs
doses et de leur période de susceptibilité maximale est maintenant bien connue
La plus simple des précautions consiste, quand cela est possible, à différer
tout traitement médicamenteux, anesthésique, hormonal, antiparasitaire externe
ou même vaccinal durant la période de gestation chez la chienne à moins que
l'état de la chienne ne l'exige et que le vétérinaire maîtrise totalement son
innocuité.
Prévention des troubles de la lactation
Si la gestation et la mise-bas représentent le cap le plus
difficile à franchir pour les races de petite taille, c'est en revanche la
lactation qui risque d'affaiblir les lices de grande taille et par voie de
conséquence nuire à la croissance de la portée. A la différence de la truie, la chienne
est rarement concernée par le syndrome mammite-métrite-agalactie.
Dans l'espèce canine, les mammites sont plus souvent dues à
un traumatisme lié aux griffes des chiots ou à une infection ascendante
transmise par léchage, par la litière ou suite à une infection cutanée
(pyodermite). Outre la présence de germes pathogènes dans le lait responsables
du « syndrome du lait toxique » (le plus souvent colibacille, streptocoque
hémolytique ou staphylocoque), les mammites s'accompagnent fréquemment de dilution
du lait altérant l'apport nutritionnel d'autant plus gravement que cette
affection survient généralement au pic de lactation.
La prévention, théoriquement simple, consiste à identifier
le germe incriminé et en tarir la
source. En pratique, il s'avère difficile d'attendre les
résultats du laboratoire avant d'entreprendre Pantibiothérapie sur la mère et l'allaitement
artificiel de ses chiots ou leur adoption par une mère nourricière.
L'observation et la palpation minutieuse des mamelons permettent parfois de
déceler des malformations canalaires favorisant les infections ascendantes. Ces
prédispositions anatomiques peuvent parfois justifier un retrait de la mère de la reproduction. Bien
que l'aptitude laitière soit un caractère jugé comme « assez héritable »,
l'hypogalactie, l'agalactie ou le retard de montée laiteuse sont généralement
difficiles à prévoir et donc à prévenir, notamment chez les primipares. Elles
s'accompagnent fréquemment de troubles du comportement maternel eux-mêmes
souvent liés à une mauvaise socialisation ou à un inconfort ou une insécurité
en maternité.
L'immunisation passive des chiots par les immunoglobulines G
étant quasi-exclusivement permise par l'ingestion précoce de colostrum,
certains éleveurs conservent par précaution soit du colostrum congelé provenant
d'une chienne donneuse, soit du sérum de la mère qu'ils font ingérer aux chiots
pour pallier l'absence de colostrum. Les jours suivants, le lait maternel
assure, par son apport en immunoglobulines A, la protection de l'épithélium intestinal
et limite ainsi naturellement l’incidence des diarrhées infectieuses.
Il importe de ne pas confondre l'agalactie vraie (absence de
montée laiteuse) avec une rétention lactée car les causes et les traitements
sont radicalement différents.
Signalons également qu'à l'inverse, les hyperproductions
lactées peuvent conduire à une surconsommation et une saturation des capacités
lactasiques des chiots et, par voie de conséquence, aboutir à des diarrhées
osmotiques. Celles-ci surviennent généralement au pic de lactation mais sont
rarement responsables de mortalité quand l'éleveur prend la précaution de
séparer plusieurs fois par jour les chiots gloutons des mamelles de leur mère. Cette
manoeuvre semble préférable à un tarissement médical sauf lorsque la santé de
la mère l'exige.
Prévention de l'infection par l'herpèsvirus canin (CHV)
L'incidence du CHV sur la mortalité néonatale semble
actuellement très préoccupante dans les élevages français. Si les troubles de
la fécondité attribués aux CHV ne peuvent être efficacement prévenus, il
apparaît en revanche possible de limiter la mortalité néonatale lorsque la
gestation parvient à son terme. Les efforts devront porter sur les mères qui
ont été primo-infectées. Celles-ci hébergent un grand nombre de virus dans
leurs muqueuses dites « froides » et notamment dans la muqueuse vaginale avant
même d'avoir pu synthétiser suffisamment d'anticorps neutralisants pour espérer
une protection passive des chiots par le colostrum. Chez ces sujets, la
césarienne permet d'éviter la contamination des chiots par la filière pelvienne
et semble donner de bons résultats. En revanche, elle s'avère beaucoup moins
utile lors de la mise-bas suivante si le taux d'anticorps est cette fois suffisant.
Le virus étant sensible à la plupart des antiseptiques et ne se multipliant
qu'en dessous d'une température de 36°C,
il est également envisageable d'éviter la césarienne en limitant la
contamination vulvaire par des irrigations vaginales répétées (Chlorhexidine)
et en séchant puis en réchauffant les chiots dès la naissance pour « prendre de
vitesse » le virus en lui interdisant toute opportunité de développement à
l'occasion de leur hypothermie physiologique. Un vaccin contre le CHV est
actuellement en cours d'expérimentation.
Antiseptie vaginale pré-partum
Les germes incriminés dans la plupart des septicémies
néonatales ou dans le syndrome du lait toxique sont généralement retrouvés dans
la flore vaginale de toute chienne saine. Partant de ce constat, de nombreux
éleveurs ont recours à une antibiothérapie systématique à large spectre lors
des périodes d'ouverture du col utérin (oestrus, mise-bas) pour, disent-ils,
limiter les risques d'infection utérine ascendante.
La simple antiseptie vaginale pré-partum est de loin
préférable à cette pratique « à l'aveugle » qui risque de sélectionner des
germes résistants ou opportunistes (Mycoplasmes notamment).
Prévention des maladies infectieuses
Pour limiter l'incidence des infections virales néonatales,
de nombreux éleveurs sont tentés d'effectuer les vaccinations pendant la
période de gestation pour « enrichir » le colostrum partant du principe que le
taux d'IgG colostral est proportionnel au taux d'anticorps plasmatique maternel
et que le pic d'IgG survient en moyenne dans le mois qui suit le contact
antigénique. De plus, il est maintenant admis et même mentionné par les laboratoires
producteurs que tous les vaccins canins, y compris les vaccins vivants atténués
ne sont ni abortifs ni immunodépresseurs (que ce soit les valences C, H ou P).
Par précaution, et ceci pour éviter tout « stress » à la chienne gestante et
tout litige en cas d'incident, nous conseillerons de pratiquer les rappels
vaccinaux dans le mois qui précède la date prévisionnelle d'apparition de
l'oestrus.
En ce qui concerne la valence « L », les sérovars (L.
canicola & L. icterohemorragiaè) contenus dans les vaccins leptospirose ne
semblent plus suffisants pour couvrir tous les risques de leptospiroses en
élevage actuellement et que certains chiots issus de mères vaccinées peuvent
néanmoins être contaminés par leur mère (sans contact avec les rats) à cause du
portage latent rénal.
Prévention des maladies parasitaires
La période d'activité sexuelle des chiennes est un facteur
aggravant le risque de parasitisme helminthique des chiots car elle devient
propice à la multiplication et non plus seulement à la survie des parasites
tels que Toxocara canis, Uncinaria stenocephala et, à un moindre degré, Ankylostoma
caninum. La modification du statut hormonal (et notamment les variations de
l'imprégnation progestéronique) de la lice favorise en effet le réveil des
larves en hypobiose et leur migration vers l'utérus et les mamelles. Durant
cette période, quels que soient les efforts de vermifugation entrepris, les
foetus, puis les chiots ne peuvent généralement pas échapper à l'infestation.
L'objectif en élevage consistera donc à tenter de réduire la pression
parasitaire en agissant à la fois sur les mères, les chiots et l'environnement.
Compte-tenu de la connaissance des périodes de « réveil »
des larves enkystées chez la mère (notamment les périodes entourant l'oestrus
et suivant le 40ème jour de gestation) et de l'absence d'activité des molécules
actuelles sur ces larves quiescentes, BURKE et ROBERSON (1983) ont expérimenté
un traitement quotidien au fenbendazole sur des chiennes gestantes entre le
40ème jour de gestation et le 15ème jour post-partum. Ce seul traitement ne
leur a permis de réduire l'infestation à Toxocara canis que de 89%.
Même si les mortalités par ascaridose massive sont peu
fréquentes, leur prévention passe au préalable par une vermifugation de la mère
(ex : fenbendazole 50 mg/kg/j pendant 3 jours consécutifs) en pro-oestrus et
vers le 42ème jour de gestation et par un assainissement de l'environnement en
maternité (traitement des joints de carrelage, brûlage du sol au cours du vide
sanitaire).
Les programmes de vermifugation systématique ne se
justifient actuellement en élevage que lorsqu'ils sont ciblés sur l'ascaridose
qui concerne tous les élevages. Pour les autres parasitoses et notamment les
protozooses (coccidiose, giardiose), le protocole de prévention et le choix des
traitements seront adaptés aux parasites identifiés.
Prévention des infections du cordon ombilical
Le contrôle des incisives de la mère préoccupe rarement
l'éleveur alors qu'il importe de ne pas négliger leur rôle dans le cisaillement
du cordon ombilical à la naissance des chiots. La qualité de l'affrontement des
arcades dentaires importe autant que la présence de tartre et/ou de gingivite.
Les mères brachycéphales ou prognathes rencontrent naturellement plus de
difficultés à accomplir cette tâche et exposent donc leurs chiots à des hémorragies
du cordon (internes ou externes) et à des infections ombilicales qui risquent
de se compliquer de hernie ombilicale, d'abcès de paroi, de péritonite, voire
même de septicémie néonatale. Pour limiter les risques infectieux, certains
éleveurs utilisent, semble-t-il avec succès sur ces femelles les pastilles
bio-adhésives de chlorhexidine au cours de la période péri-partum.
Facteurs liés aux chiots
Les résultats d'une étude ancienne (POTKAY & BACHER,
1977) ont montré que sur 2872 chiots issus de 339 portées étalées sur 3 ans, la
mortalité avant sevrage était de 17,4% alors qu'elle tombait à 4% après le
sevrage. Les pertes les plus importantes surviennent au cours de la première
semaine (55,6%). Selon les élevages et les races, ce taux oscille maintenant
entre 12 et 36% (PIBOT 1991). Le sevrage induit, quant à lui, un nouveau pic de
mortalité qui s'éteint à partir de la 12ème semaine. Ces résultats montrent que
l'effort de prévention devra se concentrer essentiellement sur la première
semaine.
Prévention de l'hypoxie néonatale
La parturition et les premiers mouvements respiratoires du
chiot constituent incontestablement la période la plus critique pour le
nouveau-né. Pour prévenir l'hypoxie néonatale du premier jour, l'éleveur et le
vétérinaire disposent maintenant de plusieurs outils :
Estimation de la maturité pulmonaire des chiots par le
dosage de progestérone, la chute de la progestéronémie maternelle étant
concomitante de la mise en place du surfactant lipoprotéique indispensable au
déploiement alvéolaire. Cet outil a considérablement diminué la mortalité
néonatale consécutive aux césariennes trop précoces, notamment chez les races
brachycéphales (DUMON 92).
Le cas échéant, aide manuelle à la mise-bas en cas de part languissant
(surtout lors de présentation postérieure qui est un facteur de risque
supplémentaire de mortinatalité par augmentation du délai d'expulsion) ou aide médicale
précoce (gluconate de calcium et, éventuellement ocytocine en cas d'hypotonie
utérine primaire) pour réduire la période de risque d'inspiration de liquide
amniotique sachant que le principal
facteur stimulant du premier mouvement inspiratoire ne semble pas être
le désengrènement placentaire mais plutôt la dépression thoracique qui fait suite
à la compression pelvienne (augmentation de la PCO2 dans les vaisseaux
ombilicaux).
Maîtrise de l'anesthésie et du réveil lors de césarienne
Désobstruction du carrefour des voies aériennes supérieures
des chiots par aspiration du liquide amniotique à l'aide d'une poire à
lavement,
Manoeuvres (séchage, réchauffement, frottements etc) et
traitements de réanimation classiques des chiots (notamment stimulants
respiratoires bulbaires et masque à oxygène)
Prévention de l'hypoglycémie
Tout comme le porcelet, le chiot à la naissance ne dispose
pas de tissu adipeux brun autorisant la thermogénèse sans frisson. Ses réserves
glycogéniques musculaires et hépatiques sont limitées à quelques heures et difficilement
mobilisables, ce qui le prédispose classiquement à l'hypoglycémie au cours des
15 premiers jours. L'apparition de ces crises (convulsions suivies d'apathie)
dépend essentiellement de la rapidité de la prise colostrale et de la
température ambiante. La prévention de la mortalité par hypoglycémie dans les
premières heures passe donc d'abord par le réchauffement puis par la mise à la
mamelle précoce (fourniture de glucose par hydrolyse du lactose) et enfin, si
les manoeuvres précédentes sont insuffisantes, par l'injection sous-cutanée de sérum
glucose isotonique (< 3ml/100g/3h).
Ces manoeuvres sont souvent appliquées en élevage de manière
empirique car la mesure de la glycémie sur les chiots nouveau-nés n'est pas une
pratique courante. Les symptômes observés chez ces chiots (fadding puppy syndrome...)
sont toutefois suffisamment évocateurs pour autoriser cette prévention
inoffensive. Dénonçons cependant à ce sujet une pratique trop souvent répandue
en élevage qui consiste à alimenter de force, par biberonnage ou par intubation
oesophagienne, les chiots faiblissants sans avoir pris au préalable la
précaution de prendre leur température rectale. Les chiots en hypothermie ont
en effet, pour la plupart, perdu le réflexe de déglutition, ce qui les
prédispose aux bronchopneumonies par fausse route. De plus, l'iléus paralytique
qui accompagne les hypothermies graves interdit toute absorption entérale des
nutriments qui ne feront que favoriser l'installation d'une diarrhée osmotique.
La règle d'or consiste donc, en cas d'hypoglycémie, à
réchauffer le chiot avant de le gaver si sa température rectale est inférieure
à 35°C. A
cet effet, il s'avère primordial de disposer en maternité d'un incubateur d'aviculture
ou d'une couveuse pour y placer temporairement les chiots jusqu'à
rétablissement d'une température compatible avec la réapparition du réflexe de
déglutition. Cette température élevée étant incompatible avec le bien-être de
la mère et le maintien de sa lactation, il convient naturellement de ne pas
l'imposer à l'ensemble de la maternité.
Prévention de l'hypothermie
A la naissance, l'évaporation du liquide amniotique
entraîne, selon le principe du climatiseur, un refroidissement proportionnel à
la surface corporelle du chiot. Ce phénomène explique d'ailleurs pourquoi les
chiots de petites races sont plus exposés à l'hypothermie que les chiots de
grande race du même âge. Comme pour la glycémie, la température du chiot est
étroitement reliée à la précocité de la première tétée et à la quantité de
colostrum ingérée.
Il n'existe pas de règle générale fixant une température
ambiante optimale en maternité pour prévenir efficacement les risques
d'hypothermie (celle-ci dépend en effet de la race considérée, de l'hygrométrie
et de la ventilation). Une expérience de CRIGHTON & POWNAL (1974) a en
revanche bien établi que des chiots sains de race Beagle âgés de 2 jours
n'étaient capables de maintenir leur température rectale au dessus de 36°C que si la température de
la maternité restait comprise entre 20 et 30°C. Plus que la température de la maternité,
c'est surtout la température au niveau des chiots qu'il importe de surveiller
de façon à ce qu'elle leur permette de maintenir leur température rectale au
dessus de 36°C
lors de risques de primo-infection herpétique.
Aucun outil de prévention de l'hypothermie n'est idéal : Les
lampes infra-rouge sont parfois responsables de déshydratation chez les chiots
(notamment lorsque l'hygrométrie est faible < 55%) ou de brûlures chez la
mère lorsqu'elles sont placées trop bas. Les tapis chauffants et les chauffages
par le sol présentent l'inconvénient de chauffer la mère autant que les chiots.
Lorsque des températures extrêmes sont requises, et spécialement lors
d'infection par le CHV, les couveuses et incubateurs nécessitent la séparation
des chiots de la mère.
Quelques précautions s'avèrent donc nécessaires :
« tester » longtemps avant la mise-bas l'aptitude de la mère
à supporter des températures élevées en maternité (l'accélération de la
fréquence respiratoire est un bon témoin de la saturation de ses capacités de
régulation thermique),
ne pas séparer la mère de l'ensemble de sa portée mais
placer les chiots à tour de rôle dans la couveuse lors d'hypothermie,
laisser à la mère la possibilité de voir son chiot à travers
la vitre de la couveuse,
réchauffer les chiots très progressivement pour éviter une
défaillance cardio-respiratoire,
surveiller particulièrement les portées de faible effectif
dont les chiots peuvent difficilement se réchauffer par blettissement.
assurer aux chiots et à la mère un gradient thermique au
sein duquel chacun pourra trouver sa température idéale.
Prévention de la déshydratation
Les facteurs de risque de déshydratation chez le chiot au
cours des 15 premiers jours sont fonction du rapport Poids/Surface (plus faible
chez les chiots de petite race), de l'immaturité de la filtration rénale, de la
température et de l'hygrométrie ambiante, du bon déroulement des tétées et des
éventuelles diarrhées qui passent encore trop souvent inaperçues à cause du
léchage maternel (l'éleveur parle alors souvent de « queues mouillées »...). La
prévention de la mortalité par déshydratation passe donc d'abord par son
diagnostic (signe du pli de peau, pesées régulières dans les premiers jours),
par la maîtrise des paramètres précités (utilité des humidificateurs en maternité)
et, le cas échéant par une réhydratation entérale ou parentérale (3ml/100g/3h
d'un mélange 2/1 de NaCl et de Glucose isotoniques). Notons que si la voie
parentérale est choisie, les risques d'hyperhydratation ne sont pas
négligeables chez le chiot tant qu'il n'est pas capable de réguler sa
filtration rénale.
Soins à la naissance
Nous ne rappellerons pas ici les classiques principes de
réanimation bien connus des éleveurs (aide à la mise-bas, rupture de la poche
amniotique, aspiration des mucosités, stimulation des premiers mouvements
inspiratoires etc.).
Prévention des autres causes de mortalité néonatale
II serait trop long de rentrer ici dans le détail des moyens
de prévention de toutes les causes de mortalité néonatale chez le chiot, tant
celles-ci sont nombreuses et variées. Mentionnons toutefois :
Le syndrome hémorragique qui, lorsqu'il est lié à la
mauvaise conservation de l'aliment maternel, peut être efficacement prévenu par
l'administration prolongée de vitamine ki à la mère et aux chiots.
Le syndrome hémolytique qui, s'il s'avérait trop fréquent
dans un élevage, justifierait le typage sanguin des parents avant leur
accouplement ou, au moins, avant toute transfusion pratiquée sur la mère.
Le syndrome du chiot nageur, quant à lui, peut laisser
espérer dans les cas les moins graves, une accélération de la récupération par
toute stimulation sensorielle des coussinets postérieurs (à l'aide d'une brosse
à dent par exemple), une solidarisation provisoire des membres postérieurs par
des « menottes » d'élastoplaste et, naturellement, par l'installation du chiot
sur un sol plus rugueux.
L'absence ou l'insuffisance de prise de colostrum prive le
chiot de 95% des IgG assurant sa protection immunitaire des 6 premières
semaines. La mortalité néonatale liée à cette cause a considérablement diminué
depuis que les éleveurs s'assurent systématiquement de la prise et de la
répartition équitable du colostrum au cours des premières heures. Il suffit
pour s'en convaincre de constater la quasi disparition des formes myocardiques
de la parvovirose qui ne se rencontraient que chez les chiots n'ayant pas
absorbé de colostrum ou issus de mères non vaccinées.
La mortalité néonatale iatrogène souvent provoquée ou tout
au moins précipitée par des traitements médicaux dont le choix et la posologie
ne tiennent pas compte de la sensibilité et de la pharmacocinétique différentes
de l'adulte. Les principales contre-indications et posologies médicamenteuses
sont maintenant suffisamment bien connues pour s'y référer avant chaque
décision thérapeutique concernant la mère ou les chiots.
Les diarrhées du chiot qui font trop généralement l'objet
d'une médication systématique alors qu'il suffit le plus souvent d'adapter la
quantité, la qualité ou la fréquence d'ingestion de l'aliment (qu'il s'agisse
du lait maternel, du lait de remplacement ou de l'aliment sevrage) afin de
s'adapter à la lente maturation de l'équipement enzymatique digestif des chiots
(lactase & amylase notamment).
- Les
infections virales dont la prévention, quand elle est possible, passe par
l'immunisation passive (colostrum, sérothérapie) ou active. Les protocoles de
vaccination modernes ne peuvent plus se contenter d'être de simples « recettes
de cuisine » applicables à tous les élevages qu'ils soient contaminés ou
indemnes.
L'application irréfléchie de ces protocoles procure en effet
une fausse sécurité en élevage qui permet de temps à autre la résurgence de
maladies graves comme la maladie de Carré ou la parvovirose et qui n'est pas
toujours imputable au relâchement de la pression vaccinale.
La loi de Charles Nicolle nous rappelle à cet effet que le
risque d'apparition d'une épidémie dans un effectif tend à devenir négligeable
quand 80% des individus sont correctement protégés, les quelques excréteurs
résiduels permettant en quelque sorte l'immunisation naturelle du reste de
l'effectif.
En élevage infecté, quelques principes simples doivent être
respectés quel que soit le vaccin concerné:
« forcer » sur la première injection qui devra être
pratiquée en moyenne une semaine avant la date d'apparition moyenne des
symptômes en employant un vaccin fortement titré et donc utilisable sous immunité
colostrale,
ne vacciner par voie IV qu'en cas d'urgence qu'après «
autorisation » du fabricant,
utiliser de préférence des vaccins monovalents (quand ils
existent),
différer au maximum la vente des chiots,
réhabiliter la pratique du lazaret et de la quarantaine (à
la manière des termites qui emmurent leurs contagieux aux premiers symptômes
pour épargner le reste de la colonie)
FACTEURS ENVIRONNEMENTAUX Densité de population.
L'étude des élevages de porcs ou même de rats nous montre,
s'il en était encore besoin, que la densité d'une population représente le
premier facteur prédisposant à l'émergence d'une maladie infectieuse (ex : toux
de porcherie) ou de troubles comportementaux (cannibalisme) et à leur
propagation conduisant très souvent à de la mortalité précoce. Le bien-être
animal, avec toute la subjectivité que ce terme suppose, sera donc un des
facteurs de prévention de la morbidité et de la mortalité en élevage.
L'inconfort au moment de la mise-bas chez la chienne augmente les risques de
rétention foetale, de mutilation des chiots par la mère à la naissance
(notamment lors de présentation postérieure), de cannibalisme, d'écrasement et
de déplacement intempestif de la portée. Actuellement,
c'est ce facteur qui privilégie injustement les éleveurs amateurs dits «
occasionnels » par rapport aux éleveurs « producteurs » qui doivent gérer un
effectif plus important.
Normes d'aménagement et d'ambiance en maternité
Nous rappellerons particulièrement les points suivants :
- Contrairement
aux maternités de porcheries qui bénéficient de normes standardisées liées à
l'homogénéité des bâtiments modernes et des races élevées, il n'existe là
encore pas de généralités concernant l'espèce canine à cause notamment de la
diversité raciale et des variations de tolérance des chiots au froid en
fonction de la ventilation du bâtiment, de leur race, de l'effectif de la
portée et de l'éventuelle menace du CHV.
Quoi qu'il en soit, il importe de bien faire la différence
entre la température de la maternité et la température du nid de mise-bas,
cette dernière étant naturellement prépondérante .
L'inconfort de la mère en maternité est souvent le seul
responsable de la majorité des troubles du comportement comme les mutilations,
l'écrasement des chiots, l’agalactie, le manque d'instinct maternel et la
mauvaise socialisation des chiots.
L'isolement géographique de la maternité est le seul moyen
de pouvoir lutter efficacement, le cas échéant, contre l'extension épidémique
de certaines maladies responsables de mortalité ou de morbidité néonatales comme
la brucellose, les leptospiroses ou encore les coccidioses.
L'étanchéité de ce bâtiment simplifie également cette lutte
en permettant une désinfection efficace curative ou préventive lors du vide
sanitaire (foggers à formol) et le contrôle des vecteurs.
CONCLUSION
La part encore très importante de mortalités néonatales
d'origine inconnue ne doit pas dissuader les éleveurs de faire réaliser
systématiquement par leurs vétérinaires une autopsie des chiots décédés. Les
examens nécropsiques peuvent en effet s'avérer très utiles en tant que facteur
de prévention précoce d'une extension au reste de l'effectif et peuvent révéler
une erreur dans la conduite de l'élevage simple à corriger.
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