Document technique SPC à l'usage des candidats juges et
experts confirmateurs Introduction
L'hygiène représente l'ensemble des mesures mises en œuvre
pour assurer aux supports une propreté physique (élimination des souillures
visibles = nettoyage), une propreté bactériologique (élimination des microorganismes
invisibles = désinfection) et enfin une propreté chimique (élimination des
résidus de produits = rinçage).
Par extension, on peut y inclure tous les autres moyens qui
contribuent à barrer la route aux contaminations tels que l'hygiène de vie
(exercice, alimentation) qui permet de renforcer les défenses immunitaires de
tout organisme, les vaccinations ou encore les barrières physiques
(combinaisons, surbottes, moustiquaires, chaleur, rayons UV, haute pression
etc.).
L'hygiène en chenil doit être raisonnée comme un véritable
combat : en effet, viendrait-il à l'idée d'un soldat de partir un beau matin la
fleur au fusil sans même avoir identifié l'ennemi, sans savoir où il se cache
et sans connaître son mode de vie, ses armes, ses points forts et ses points
faibles ? Cette stratégie est applicable à l'hygiène des chenils qui doit
permettre de lutter contre les ennemis invisibles que représentent les virus,
les bactéries ou encore les formes de résistance des parasites dans
l'environnement. Le « produit miracle qui fait tout » étant encore inconnu sur
le marché, l'éleveur devra être capable de choisir ses produits d'entretien en
se posant les bonnes questions : ce produit est-il détergent ou désinfectant ?
Quel est son pH d'emploi ? Est-il actif contre les agents pathogènes qui
menacent mon élevage ? Est-il compatible avec l'eau que j'utilise, avec les outils
de nettoyage dont je dispose, avec les matériaux de mon chenil etc.
L'émergence d'une maladie contagieuse en élevage doit ainsi
être considérée comme une faute d'hygiène qui doit conduire l'éleveur à
repenser ses méthodes de nettoyage et de désinfection après avoir identifié le
ou les agents pathogènes en cause. A titre d'exemple, peu d'éleveurs savent que
l'eau de Javel, très utilisée en élevage, ne bénéficie pas de l'agrément pour
la désinfection des locaux d'élevage, est inactive en présence de souillures organiques
et favorise même la transmission des coccidioses de sevrage dans les locaux de
maternité !
Quelques définitions
Le nettoyage est une opération qui consiste à désincruster,
par un effet chimique (appelé « détergente ») ou/et mécanique (brossage, haute
pression), les matières organiques des supports auxquels elles adhèrent. En
effet, les bactéries libres ne représenteraient que 0,5 pour mille de la
population bactérienne totale ! Les autres bactéries adhèrent aux supports sous
un biofilm qui peut résister à l'action des désinfectants souvent inactifs en
présence de matières organiques. Le biofilm est constitué d'une population
bactérienne qui adhère à un support humide (ex : coque de bateau, tartre
dentaire).
Le nettoyage doit donc permettre de décoller la crasse, de
la solubiliser, de l'émulsifier et de la disperser pour qu'elle soit ensuite
évacuée par l'eau de rinçage. C'est la raison pour laquelle les détergents
contiennent pour la plupart des « agents mouillants » ou « tensio-actifs » qui
permettent aux principes actifs de pénétrer au cœur des salissures.
La désinfection est l'étape qui consiste à détruire les
micro-organismes résiduels qui resteraient sur une surface rendue physiquement
propre par la détergence et le rinçage (effet bactéricide, virucide, sporicide)
ou à empêcher leur multiplication ultérieure (effet bactériostatique ou
virustatique).
Chaque désinfectant est caractérisé par son spectre
d'activité, c'est-à-dire par la liste des germes sur lesquels il est
susceptible d'agir. Cependant, les micro-organismes étant des êtres vivants,
ils peuvent subir des mutations qui les rendent génétiquement résistants à
l'action d'un désinfectant auquel ils étaient préalablement sensibles. Détergence
et désinfection sont deux étapes complémentaires de l'hygiène qui permettent de
maintenir un équilibre entre le microbisme ambiant de l'élevage et les
capacités de défense immunitaire des pensionnaires en s'attachant à entretenir
un milieu défavorable au développement des germes les plus pathogènes. D'une
manière générale, et en caricaturant un peu, une bonne détergence permettrait
même de se passer d'une désinfection alors que très souvent, en élevage, on
brûle une étape en pensant à la désinfection avant même de penser au nettoyage.
Les grands principes de l'hygiène
Comme en témoigne la diversité des produits d'entretien
disponibles sur le marché, l'efficacité d'un agent nettoyant sera fonction de
la nature des souillures mais aussi de la nature de l'eau dans laquelle est
dilué le produit, de la puissance du nettoyage et de la constitution des
supports.
Nature des souillures
D'une manière générale, toute souillure acide devra être
combattue par un produit alcalin et toute souillure alcaline par un produit
acide.
Fort heureusement, la majorité des souillures organiques en
chenil sont de nature acide. A titre d'exemple, les protéines (composées
d'acides aminés) et les graisses (composées d'acides gras) devront être
nettoyées à l'aide d'un détergent alcalin (pH > 7), ce qui est le cas de la
plupart des produits d'entretien. Plus la souillure sera tenace (souillures
protéiques notamment), plus le détergent devra être alcalin (détergents
industriels).
Les sucres sont assez faciles à éliminer grâce à leur bonne
solubilité dans l'eau. En revanche, les souillures minérales (calcaire comme la
plupart des tartres) sont généralement alcalines et devront donc être éliminées
par un détergent acide (pH < 7).
En élevage, la grande majorité des souillures à éliminer
sont de nature organique, donc acide : C'est la raison pour laquelle il est
souvent conseillé en élevage canin d'utiliser un détergent alcalin par exemple
6 jours sur 7 et de recourir à un détergent acide une fois par semaine pour «
rénover » les supports (ou les canalisations) entartré(e)s ou encore de passer
un désinfectant acide après avoir rincé des matériaux nettoyés avec un
détergent alcalin.
Il est toutefois fortement déconseillé de mélanger un
produit acide à un produit alcalin sous peine de neutralisation des effets et
même de dégagement gazeux toxique. Il est donc préférable de se conformer à la notice
du fabricant plutôt que de faire soi-même ses propres mélanges qui risquent de
faire la preuve de leur inefficacité lorsqu'il sera trop tard.
Nature de l'eau de nettoyage
La « dureté » de l'eau est mesurée en « degrés
hydrotimétriques » (°TH) qui indique essentiellement le taux de Calcium (et,
dans une moindre mesure, du Magnésium). Un degré hydrotimétrique correspond à
4mg de calcium par litre d'eau, soit 10 mg de « calcaire » sous forme de
carbonate de Calcium (CaCO3). Une eau est considérée comme « entartrante » à
partir de 20°TH. A titre d'exemple, amusez-vous à comparer la dureté des
différentes eaux dites « minérales » mises sur le marché ; les résultats sont
surprenants : certaines eaux sont plus dures que l'eau du réseau local et
d'autres sont si douces qu'elles ne méritent même plus l'appellation de «
minérale ». Quoi qu'il en soit, l'utilisation quotidienne d'une eau trop dure en
élevage risque de provoquer :
l'altération de nombreux supports (caoutchouc, matières
métalliques)
un dépôt de tartre sur la paroi des canalisations et
notamment dans les tubulures des pompes à haute pression (risques d'explosion)
à la baisse du pouvoir désinfectant de nombreux produits.
A l'inverse, une eau trop adoucie (type eau de pluie)
devient acide et risque ainsi de corroder les canalisations. De plus, elle perd
de son efficacité au rinçage.
Pour éviter tous ces inconvénients à long terme, l'idéal en
élevage consiste à utiliser une eau dont le degré hydrotimétrique est compris
entre 10 et 30. Les renseignements sur la composition et la qualité de l'eau
sont maintenant fournis avec la facture.
Nature du nettoyage
L'effet tensio-actif des détergents s'exerce en surface des
salissures. C'est pourquoi il importe de favoriser l'action en profondeur du
produit en dispersant la crasse par un effet mécanique (brossage) pour
permettre au détergent de pénétrer au coeur des salissures, puis de laisser agir
le détergent une vingtaine de minutes. Pour autant, il n'est pas conseillé
d'utiliser systématiquement les pompes à haute pression en élevage pour éviter
de « pulvériser » les souillures sur les parois du box ou de la courette mais
aussi pour préserver les supports.
Nature des supports
Une surface apparemment lisse peut cacher par ses rayures ou
ses anfractuosités une surface réelle bien plus importante. C'est pourquoi les
matériaux comme l'inox ou le carrelage sont plus faciles à nettoyer qu'un métal
rouillé ou qu'un billot de bois qui offrent aux micro-organismes beaucoup plus
d'opportunités d'abri et d'adhésion.
Les raccords doivent être pensés en fonction du mode de
nettoyage (à angle droit si l'on utilise la raclette, en arrondi si l'on
utilise la pression ou suffisamment espacés pour laisser libre accès au balai
ou à l'éponge). Les matériaux dits « inox » ou les aciers galvanisés de
mauvaise qualité peuvent s'oxyder au contact de certains désinfectants
industriels si l'on ne prend pas la précaution de les rincer. Les bons inox
contiennent beaucoup moins de fer que de Chrome et de Nickel et sont donc moins
facilement oxydables. Les matériaux en aluminium peuvent être irréversiblement
altérés au contact de produits d'entretien fortement acides ou alcalins (pH
extrêmes).
Quant aux surfaces carrelées qui équipent la plupart des
maternités, les joints de ciment sont très fréquemment rongés par les produits
acides et se transforment alors en abri pour les formes de résistance de
certains parasites comme les coccidies ou les œufs d'ascarides. Il est donc
conseillé de recourir à des carreaux de grande dimension pour limiter le nombre
de joints et de traiter ces joints soit en y incorporant une résine époxy soit
en les recouvrant de silicone.
La désinfection
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, « on ne désinfecte
bien que des surfaces propres », c'est-à-dire celles qui ont été préalablement
nettoyées (par un détergent) et rincées ! En effet, la plupart des
désinfectants sont inactivés par la présence de matières organiques qui forment
à leur contact une croûte protectrice comparable à celle qui se forme à la
surface d'une bouse de vache desséchée...
Rôle de la température d'emploi, de la concentration et du
temps de contact
La plupart des produits gagnent en efficacité à être
utilisés en eau tiède à chaude. On retient couramment qu'un produit agit deux
fois plus rapidement quand on augmente sa température de 10°C. Toutefois, certains désinfectants
comme les iodophores gardent une bonne efficacité à température ambiante et
peuvent, pour cette raison être utilisée dans les pédiluves, d'autant plus
qu'ils présentent l'avantage de perdre leur coloration en fin d'activité
autorisant ainsi un contrôle visuel de son efficacité. Cependant, ces
désinfectants s'avèrent modérément actifs en présence de matières organiques et
présentent l'inconvénient de colorer le caoutchouc des bottes. Les pédiluves
sont maintenant progressivement abandonnés en élevage en raison du temps de
contact nécessaire à une bonne désinfection et à la nécessité d'y tremper des
bottes déjà propres ! On leur préfère donc actuellement les rotoluves à
détergent ou, plus simple, plus efficace et plus économique, le port de sur chaussures.
D'une manière générale, la température d'utilisation d'un
désinfectant, son temps de contact avec la souillure et sa concentration sont
des paramètres interdépendants. A titre d'exemple, un même désinfectant pourra
être utilisé à plus faible concentration à condition d'augmenter soit sa
température d'emploi soit son temps de contact avec la souillure. Rappelons
toutefois que la chaleur n'aide pas toujours à éliminer efficacement les
souillures : ainsi, la chaleur aura tendance à « caraméliser » les sucres, à
favoriser l'entartrage minéral, à polymériser les graisses et à dénaturer les
souillures protéiques.
Savoir décrypter une étiquette
II est difficile pour un utilisateur de tester l'efficacité
d'un désinfectant, l'essentiel de son activité étant invisible à l'œil nu.
Plusieurs structures spécialisées (comme le laboratoire INRA/ CNEVA/ AFFSSA de
Fougères travaillent à l'établissement des normes AFNOR (maintenant appelée
Comité Européen de Normalisation) pour délivrer des homologations aux
laboratoires producteurs qui en font la demande. L'activité
désinfectante de ces produits est testée en présence de substances
interférentes (eau dure, albumine bovine) à différentes températures et
concentrations sur des virus résistants (parvovirus) des bactéries, des levures
ou des spores bactériennes. En élevage canin, l'action virucide d'un
désinfectant est attestée par les normes NF-180 et NF-181 qui doivent être
systématiquement recherchées.
Un œil exercé peut rapidement, grâce à la terminaison « um
», « ol » ou « hyde » classer les principes actifs parmi les principales
familles de désinfectants (ammonium quaternaires, phénols, aldéhydes etc.) qui
possèdent chacune leurs propres caractéristiques auxquelles il importe de se
référer. A titre d'exemple, les tensioactifs anioniques (chargés négativement)
sont d'excellents détergents grâce à leurs qualités lipophiles (solubilité dans
les graisses) mais présentent l'inconvénient de produire beaucoup de mousse.
Ils ne devront donc pas être utilisés dans les nettoyeurs automatiques à moins
d'être couplés à un agent anti-mousse. Les agents peroxydants (acide peracétique,
désinfectants à activité peroxygène) ne devront pas être utilisés sur des
supports sensibles à la corrosion à moins d'être couplés à un inhibiteur de
corrosion. Les produits acides ou peroxydants ne devront pas être utilisés en
première intention sur des souillures organiques, etc. Tous ces petits détails
permettent très rapidement de comprendre la logique d'un produit et de vérifier
simplement que le produit est bien adapté à l'usage auquel on le destine.
Conclusion
L'hygiène ne doit surtout pas être considérée comme un
concept rébarbatif mais, au contraire comme une démarche stratégique toujours
adaptée aux modes de développement et de survie des ennemis que l'on souhaite combattre
Ainsi la solution de facilité qui consiste à rechercher le produit miracle
actif contre tous les germes pathogènes apporte trop souvent une fausse
sécurité. Il suffit de faire l'inventaire des différents produits ménagers que
chaque ménagère détient (en moyenne 40 produits différents) pour se convaincre
qu'un seul produit ne peut pas convenir à tous les usages en élevage canin.
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