Le Chien de Gascogne Saintonge
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Le  Chien  de Gascogne-Saintonge

 

 

:

Lorsqu'il s'agit de gascons-saintongeois, une question troublante surgit dans l'esprit de tous ceux qui ont suivi et qui ont eu connaissance de l'évolution des races canines durant ces dernières années.

Le chien Gascon-Saintongeois existe-t-il encore ?

La réponse prend ici une importance toute particulière. Si elle était négative nous n'aurions aucune raison de-décrire une race éteinte, car peu favorables à une reconstitution, à un retour vers le passé, à une réaction quelconque peut-elle être affirmatif sans inexactitude ? Pour ne contrister personne, pour pousser en même temps un cri d’alarme, pour ouvrir les yeux de ceux qui ne veulent pas voir et surtout pour dire toute la vérité, nous répondrons donc :

La race gascon-saintongeoise n'est pas encore morte, mais elle est en bonne voie de disparition.

Avant de chercher les causes de cette décadence il faut que nous prions le lecteur de vouloir bien relire le- chapitre de cet ouvrage consacré au chien gascon; il nous faut aussi, avec quelque précision, dire ce que fut le chien de Saintonge.

Nous essaierons d'abord de reconstituer son anatomie. Nous n'y éprouverons pas grande difficulté, grâce aux descriptions suivantes :

La première est due à M. le Coulteux. «  Blancs avec taches noires, écrit-il, mais peu couverts, palais et testicules noirs, deux marques de feu pâle au-dessus des yeux, légèrement teintés de noir sous le poil, de la plus haute taille, tête légère, décharnée et osseuse, nez légèrement retroussé ou du moins le paraissant par suite de la grande largeur et épaisseur des narines, oreilles fines» demi longues, très papillotées et attachées très bas de couleur noire et souvent liserées de feu pâle, le cou long, fin et léger, pas de fanons, le rein assez étroit et courbé, le flanc retroussé, la cuisse un peu plate, la poitrine très profonde, mais un peu resserrée, la patte de lièvre, généralement un peu droits sur leur devant, la queue effilée et beaucoup de l'aspect d'un lévrier. » (Le Coulteux de Canteleu : Manuel de la Vénerie,  page 21)

Diguet ne consacre au Saintongeois que quelques lignes, mais elles ne manquent pas d'intérêt... « Ce chien est remarquable par sa grande taille et sa construction élégante. Son pelage est d'un beau blanc argenté avec des taches noires d'ébène. Ses oreilles également noires, sont teintées de feu pâle. Sa patte est sèche et allongée, sa queue effilée, son rein arqué... On peut lui reprocher sa manière de hurler qui retarde ses mouvements, mais il a bientôt regagné le terrain perdu et arrive toujours un des premiers. »

Enfin, nous trouvons dans le Sport Universel illustré, du 14 janvier 1906, cette description du chien de Saintonge qui diffère peu de celles données plus haut : « Leur construction était irréprochable, bâtis comme des lévriers, ils avaient la poitrine profonde, le rein légèrement harpe, les membres solides, les pieds forts et bien faits, leur tête très expressive, était allongée et ornée de pendants contournés et de longueur moyenne. »

Nous clôturerons la série de ces citations que nous nous sommes efforcés de faire très complètes et pour lesquelles nous n'avons voulu suivre aucun ordre chronologique, par ce passage du à la plume de M. de Carayon-Latour, lui-même. « Les chiens de Saintonge sous poil blancs marqués de noir avaient la tête fine, l'oreille papillotée, l'encolure longue, légère et bien détachée, la poitrine profonde, le rein harpé, mais étroit, la cuisse plate, la queue basse, la patte de lièvre sèche et nerveuse. »

La silhouette du chien de Saintonge, à l'époque ou fut créée la race qui nous intéresse était d'une rare élégance. Son apparence générale était faite de finesse, de légèreté et de grâce. Il semblait être le descendant de plus en plus distinguée d'une très noble et très vieille lignée. Il était si l'on peut dire le résultat d'une exaltation de race. Telle était la première impression que l'on en avait. Un examen plus minutieux montrait que seules la tête et la longue encolure étaient parfaites et pouvaient être vues sans crainte sous les angles les plus divers. La poitrine et le rein étaient souvent d'une étroitesse telle que le chien semblait avoir été découpé dans âne feuille de zinc. L'épaule longue oblique manquait de muscles. Les aplombs antérieurs étaient souvent défectueux. La cuisse peu étendue restait plate, malgré l'exercice. La croupe fuyante avait pour conséquence une mauvaise attache du fouet. Cette anatomie était le résultat d'un «Ornement poussé à l'extrême, inconscient peut-être et dû à la consanguinité, mais qui entraînait un allégement de plus e» plus marqué et de phis en plus redoutable de la charpente osseuse. En un mot, on retrouvait en ces chiens tous les symptômes d'une prochaine et définitive dégénérescence physique.

Quoiqu'il en fût, ces chiens rendaient les plus éminents services. Les auteurs que nous avons déjà cités et dont les descriptions anatomiques manquent de détails, se montrent plus explicites quand il s'agit de caractères cynégétiques de cette race.

« Ils ont une belle gorge, écrit M. le Coulteux, mais souvent un peu sourde. Ils sont souvent un peu chiches de voix fournissant de loin en loin. Ils sont extrêmement droits dans leur voie, leur allure est régulièrement la même; ils ont le grand chasser du vrai chien d'ordre et des qualités de change remarquable... Ayant énormément de fond le jour de la chasse, ils se ressentent ensuite de la fatigue pendant plusieurs jours : petits mangeurs, ils sont très difficiles à élever. Peu mordants, sans ambition, le chien de Saintonge va sans se presser confiant dans son fond et son odorat étonnant : pour lui point de forlonger et plutôt que de mettre bas, il consentira peut-être à chasser en queue, mais sa ténacité viendra à bout de tout; au débuché son dos à ressort, le placera bientôt en bon rang. Il est très disciplinable et facile à mettre en meute ».

« Le vrai chien de Saintonge, avait, dit M. de Chabot, une gorge superbe, un peu sourde toutefois et un nez excellent, très droit et possédant assez de train; souvent chiche de voix; son allure se composait d'un bon branle de galop alterné d'un trot vite et soutenu. Son fond était étonnant. »

Dans l'article du Sport Universel Illustré déjà cité, nous relevons le passage suivant : « En chasse, la menée des chiens de Saintonge était superbe ; ils étaient vite surtout en débucher et sur les chemins ; ils avaient des gorges de hurleur rappelant le grondement du tonnerre. Ils craignaient le piquant par défaut d'habitude sans doute... Ces chiens étaient froids et ne rapprochaient guère non par manque de nez, ils l’avaient très fin, mais par manque d'ardeur au début ; sur les fins ils étaient au contraire difficiles à arrêter ».

Enfin, M. de Carayon-Latour explique que «les chiens de Saintonge étaient difficiles à élever, manquaient d'activité et péchaient surtout par le tempérament... Cependant cette race avait montré dans les grandes et rudes journées, malgré son manque d'énergie une persistance très remarquable à maintenir sa voie ce qui dénotait chez elle un véritable amour de la chasse, et certainement une illustre origine. »

De son anatomie exagérément distinguée découlent tous les défauts cynégétiques du chien de Saintonge. Sa charpente frêle, ne lui permettait pas les fréquents efforts et les considérables fatigues de plusieurs laisser-courre consécutifs. Il était vite en terrain uni, mais le moindre obstacle, de faibles ondulations de terrain l'obligeait à prendre une allure très modérée. Il éprouvait quelque peine à se mettre en chasse comme s'il eut voulu refréner des désirs qui l'entraînait à des exercices trop violents pour sa faible santé. Il finissait cependant par succomber à cette passion de la chasse, s'excitait et se livrait tout entier. Les énergies de son noble sang soutenaient jusques à la fin ses muscles incapables sans cela d'un tel effort. L'on pouvait dire de lui comme de certaines épées trop vaillantes que la lame usait le fourreau. Sa poitrine profonde, mais étroite, lui fournissait assez d'oxygène pour une course même rapide, mais ne lui permettait guère de dépenser son souffle en inutiles hurlements. En revanche cette affinement extrême, cette accumulation de race était la cause de rares qualités naturelles : nez exquis, menée droite et noble, passion du sport, disposition remarquable pour garder le change qui faisait de lui un chien de chasse à courre remarquable, un élément de croisement précieux, en un mot, un animal qu'il ne fallait pas tout à fait laisser périr.

Le baron Joseph de Carayon-Latour possédait avec le descendant de M de Saint-Léger les ultimes débris de cette race. Il avait pu la juger à sa juste valeur, car il avait longtemps chassé avec les plus beaux équipages du Nord de la France, et il avait pu voir à l'œuvre, un grand nombre de meutes composées de bâtards ou de pur sang anglais. Il employa pour sauver tout ce qui était encore « sauvable» de cette noble race un remède héroïque, le croisement, mais ce qui en fait l'originalité et la valeur c'est que ce croisement fut un croisement français. Ce procédé était donc en dehors de toutes les règles généralement suivies jusqu'alors et qui demandent pour régénérer une race française du sang anglais, qui aboutissent en fin de compte à la fabrication de bâtards. Du reste, si nous en croyons le portrait suivant de M. de Carayon-Latour, du à la plume du marquis Costa de Beauregard, un membre défunt de l'Académie Française: « il ne se croyait pas obligé par sa fidélité à Dieu et au Roi de voir tout en ogive. Pour lui la routine ne constituait pas plus la tradition que le bon sens. Il n'était pas de ceux qui se font des vertus sociales de leurs préjuges. Sa façon de vivre en témoignait-.. Nul n'était plus, homme du monde, à Paris, ni châtelain plus intelligent, plus populaire à la campagne. L'existence qu'il menait dans son domaine de Virelade, près de Bordeaux, était celle d'un grand seigneur anglais, curieux de progrès, d'expériences, de sports et déplaisirs violents... Aux plus chevaleresques croyances, Carayon associait ainsi, oh! non pas de grands mots, mais l'intelligence pratique de son temps. » Nous avons tenu à citer ces quelques lignes car elles rendent un éclatant hommage à l'homme d'initiative et J intelligence que fut le marquis de Carayon et qu'elles expliquent — indirectement si l'on veut! — la création, avec des procédés peu communs, d'une nouvelle race canine.

Cependant des croisements franco-saintongeois avaient déjà été faits. D'abord au commencement du XVIIIe siècle, un évêque de Poitiers, Monseigneur de Foudras -Chateautiers obtint de l'union d'un chien gascon et d'une lice saintongeoise, une lignée caractérisée par une apparence ramassée, un rein large, une queue fine, des oreilles soyeuses, un poil tigré sous le blanc, ce qui faisait paraître ces chien?, quand ils étaient mouillés, d une couleur bleue ardoise, d'où leur nom de chiens bleus de Poudras ou de chiens ardoisés, comme on les appelait dans le pays. D'autre part, si nous en croyons le Sport Universel Illustré (14 janvier 1906) : «  Le comte de Montbron, lisons-nous, posséda, vers 1835, deux chiens et une chienne de Saintonge, achetés à un Monsieur Clemot; l'un d'eux appelé Tourbillon fut donné à la chienne Proserpine, au vicomte delà Besge. Il en résulta une portée hors ligne: «Jamais anglais ni bâtards ne marchèrent plus vite que ces produits Poitevins-Saintongeois, ils enlevaient en se jouant, dit-le veneur de Forsac, les grands louvarts en mars et en

avril : l'un d'eux, Dagobert, était tellement vite qu'on ne pouvait lui faire chasser de sanglier, il les attrapait dès le lancer. »

Quoiqu'il en soit M. de Carayon-Latour, qui n'avait peut-être au début d'autre projet que de refaire la race de Saintonge, chercha pour cela un sang assez riche et en même temps assez proche : il crut l'avoir trouvé dans les chiens bleus de Gascogne, de M. de Ruble.

Une idée très logique — surtout si elle était vraiment exacte — le guida dans son choix : le Saintongeois et le Gascon sont issus d'une souche commune le Saint-Hubert. Cette origine semble en effet prouvée pour le chien de Gascogne. On l'admet généralement pour le Saintongeois qui serait le résultat d'un croisement rentre les chiens noirs et les chiens blancs de Saint-Hubert. Cette hypothèse ne satisfait point tous les esprits. Mous avons eu entre les mains des notes manuscrites laissées par un veneur du siècle dernier qui estimait, avec les connaisseurs de son époque, que le Saintongeois résultait de l'accouplement du Saint- Hubert et du Lévrier ou d'un chien ayant beaucoup de lévrier. Il se basait évidemment sur des caractères anatomiques qui faisaient tout de suite comparer le saintongeois au lévrier. Peut-être cependant cette ressemblance n'est-elle qu’une apparence? Enfin nous avons entendu .dire par un vieux chasseur, mort depuis quelques années et qui avait pu encore connaître les Saintongeois, que ces chiens s'ils descendaient du Saint-Hubert avaient aussi parmi leurs ancêtres un .chien blanc du roi. Il s'appuyait sur un certain nombre d'arguments, tant anatomiques que cynégétiques, ainsi certaines qualités des tètes saintongeoises : « forme du crâne, oreilles, ainsi l'absence de fanons, la construction légère, la finesse extrême du poil. Ainsi cette sagesse *et cette froideur à prendre la voie et cette facilité à garder le change, tous caractères qui n'ont jamais appartenus au Saint-Hubert, mais plutôt au chien blanc du roy et à sa descendance. Il aurait également pu tirer un nouvel argument en faveur de cette hypothèse, de ce fait que le Saintongeois accouplé avec le chien du Haut-Poitou — un descendant certain du chien blanc du roi — avait donné de beaux et bons produits. Toutes ces hypothèses peuvent être discutées, toutes sont défendables, mais nous croyons pour notre part nue la dernière exposée, à toutes les raisons d'être exactes. Il était en tout, cas utile de les énumérer toutes, comme nous le verrons à la fin de ce chapitre.

M. de Carayon-Latour infusa donc du sang gascon à ses saintongeois. Il ne le fit qu'avec une extrême prudence, comme il l'aurait fait s'il s'était servi de sang anglais. C'est ce qui semble résulter des documents qui ont été publiés; à l'apogée de la race, en effet, l'équipage n'avait du sang gascon que par les femelles, encore celles-ci n'étaient-elle la plupart du temps que des produits d'un premier croisement gascon-saintongeois. C'est ainsi que parmi les chiens exposés aux Tuileries, en 1863, on remarquait Tapageur qui possédait la plus illustre et la plus rare origine, car il était fils de Pilote et de Planette. Pilote était issu de Belford, pur saintongeois, qui sortait du chenil du comte de Saint-Légier. Planette par Bravo, à M. Salvayre et Panthère avait un peu de sang des chiens de M. de Saint-Légier et beaucoup de ceux du baron de Ruble. » (Chasse Illustrée, juillet 1907).

Les puissances enfermées dans ces quantités de sang* gascon, relativement minimes, étaient telles qu'elles suffirent à donner un type absolument nouveau à cet élevage : les produit s n'étaient plus des saintongeois, c'étaient encore moins des gascons ; les deux races, comme le dit M. de Carayon-Latour, s'étaient pour ainsi dire fondues, confondues en une nouvelle anatomie très harmonieuse. Ces chiens étaient pour ainsi dire des bâtards franco-français, non pas à vrai dire des gascons-saintongeois, mais plutôt des saintongeois-gascons.

Pour être complet sur cette question d'origine, il faut ajouter que M. de Carayon-Latour se servit aussi de reproducteurs provenant de l'ancien équipage d'une Société bordelaise, dirigée par M. Desfourniels. «Ces chiens dits «chiens de Bordeaux» avaient beaucoup d'affinité avec les races de Saintonge et de Gascogne.»

II y a dans ce croisement français aboutissant à la création d'une nouvelle race, une analogie certaine avec l'origine du chien de l’Ariège, résultat d'une multitude d'unions saintongeoises - briquets du pays-gasconnes. Mais dans le premier cas le croisement avait été recherché, soigneusement vérifié en un mot volontaire, tandis que dans le second le hasard seul avait voulu que ces accouplements fussent logiques et raisonnables.

La race de Virelade était donc crée. La consécration officielle lui fut donnée en 1863, à la première exposition canine de Paris.

Le comte de Lorge écrivait dans son compte-rendu à son sujet : « Si nous parlons maintenant des chiens purs français, nous devons mettre en première ligne la meute Gascon-Saintongeoise, de M. de Carayon-Latour... Ces chiens sont grands, forts et légers à l'œil, un peu longs peut-être et semblant manquer de souplesse ; tous marqués blancs et noirs, l'oreille vrillée et le museau allongé, la cuisse plate et descendue et la patte de lièvre. Je ne les ai jamais vu chasser et ne peux en parler que par ouï-dire ; ils ont dit-on du fond, beaucoup même et sont parfaitement collés à la voie, mais ils ne rallient pas aussi facilement que des bâtards et ne-doivent pas avoir leur vitesse. En ferait-on aussi aisément des chiens de change, j'en doute, mais cette épreuve n'a pas été assez tentée, je crois, dans des forêts assez vives pour que l'on ait une certitude à cet égard. » .

Gayot, après avoir cité les lignes qui précèdent ajoute : «Dans leur compte-rendu de l'exposition les journaux anglais ont accordé la palme à la race de Virelade, en déclarant qu'il n'y avait pas d'animaux aussi parfaits sous tous les rapports en Angleterre. «C'est une belle victoire, écrit M. Leblanc, remportée par des éleveurs aussi habiles, aussi persévérants. »

Nous continuerons cet exposé de documents par les quelques lignes suivantes extraites des «Chiens courants français au XIXe siècle» ouvrage dû à la plume du comte Le Coulteux : «Les chiens de la race de Virelade, qu'on pourrait appeler maintenant la race de Saintonge perfectionnée, ont beaucoup de ressemblance avec leurs ancêtres les Saintongeois de M. de Saint-Légier. Ils sont très grands, ont une tournure et une noblesse singulière on voit que ce sont des chiens de haut lignage. Forts et légers en même temps, ils sont peut-être un peu trop longs et paraissent encore un peu mous. Tous marqués blancs et noirs quatrœillés, l'oreille bien tournée et bien papillotée, la tête pas trop forte, la cuisse du Saintongeois, mais améliorée, est bien descendue, la queue beaucoup mieux placée, longue et bien portée, la patte de lièvre. Ils ont dit-on beaucoup de fond, et sont très collés à leur voie, mais ils ne se rallient pas facilement et sont d'un train modéré. Comme presque tous les chiens français, on n'en fait pas très aisément des chiens de change, mais comme ils sont assez sages et ont beaucoup de tenue, ils ne font pas souvent change et prennent alors très bien leur animal, lièvre, chevreuil ou cerf. »

Dans l'Eleveur du 27 décembre 1908, le marquis de Mauléon, qui a beaucoup écrit sur l'équipage de Virelade, disait : « au sujet des qualités de chasse des chiens de cette meute, qu'elles les distinguaient d'une façon absolue des autres races de chiens courants. Ces qualités consistaient dans une grande finesse de nez, l'amour de la vole qui les faisait chasser beaucoup plus pour en goûter le sentiment que pour faire la curée de l'animal, la parfaite régularité et la longue persistance de leur requet dont la vitesse se proportionnait au temps de la voie chassée, enfin la justesse de la suite. »

Avant d'insister de nouveau sur ces points qui lui paraissent caractéristiques et qui nous semblent communs du moins en se qui concerne la finesse du nez, l'amour de la chasse, à la plupart de nos races françaises, le marquis de Mauléon dans le Sport Universel Illustré, du 10 janvier 1909, décrit la race de Virelade en ces termes :

 

« Cette race bien caractérisée, puisqu'elle était formée de matériaux ayant entre eux une grande analogie, produit des chiens de taille moyenne de 24 pouces. Ils sont blancs mouchetés de noirs et frappés de larges taches noires. Le dessus des yeux, les babines et J'extrémité. des pattes sont tintées de feu pâle. La tête est allongée, le regard expressif et doux ; l'oreille est longue et fine, elle retombe en tire-bouchon; la poitrine est profonde, le rein légèrement harpe, les appuis manquent parfois de régularités. »

Nous avons vu précédemment ce qu'il faut exactement penser de cette « grande analogie » qui aurait existé entre le Saintongeois et le Gascon, animaux qui, nous l'avons montré, étaient différents et complètement différents par la structure, la santé, le chasser et qui n'avaient peut-être qu'un point commua : leur ancêtre le St-Hubert.

Cette mise au point étant faite, l'on se rendra compte par les quelques documents cités — choisis parmi les plus précis — que l'étude du chien de Gascogne-Saintonge reste encore très incomplète.

Nous allons à notre tour essayer de faire vivre aux yeux du lecteur, cette race, de montrer ce qu'elle fut à son apogée et par conséquent ce qu'il faut raisonnable ment qu'elle soit.

Notre idée directrice sera celle qui guidait M. de Carayon : Refaire ou plutôt améliorer, par le croisement Gascon, la race de; Saintonge. Nous allons donc nous efforcer de découvrir Les empreintes laissées par le sang gascon dans cette nouvelle anatomie qui est celle du chien de Virelade.

Nous avons vu quels, étaient les caractères particuliers de la tête- du Saintongeois ; quelles modifications ont-ils subis de par le croisement gascon ?

Deux remarques s'imposent d'abord, à vrai dire elles sont relatives à des faits qui se commandent l'un l'autre : 1° la tête s'est alourdie ; 2° le dessin de cette tête a tout à fait changé. Si l’on projette, en effet, sur un écran, d'une part l'ombre portée par la télé du chien de Virelade, d'autre   part  celle donnée par  la tête  du  Saintongeois, on s'aperçoit   qu'elles différent par   trois caractères principaux :   le   crâne,   l'oreille,   le  chanfrein.   Le crâne du Saintongeois   s'est,   en effet, un peu élargi  et surtout  il s'est doucement et nettement bombé ; certes il ne présente pas cette   forme   ogivale en tous les sens caractéristiques du crâne gascon, mais il monte cependant par une courbe accentuée, jusques à l'occiput qui reste très caillant.   Ce crâne est sec, les os sont sous la peau qui   est très fine, couverte d'un poil ras et doux, bien tendu sur la charpente osseuse, mais formant, presque  toujours, au moins une ride à l'attache de l'oreille.

Celle-ci reste attachée bas quoique peut-être un peu plus haut que chez le Gascon. Sa texture est toujours aussi mince, mais chez le Virelade elle devient beaucoup plus longue que chez le Saintongeois primitif.

Le chanfrein, qui chez le Saintongeois apparaissait droit, même un peu relevé, présente une courbure jamais aussi accentuée que chez le Gascon. Elle doit être quand même très visible ; c'est là, à notre sens, un caractère qui doit toujours être recherché. Ajoutons que chez le chien de Virelade, le nez se soude au crâne par une cassure moins nette que chez le Saintongeois. Nuance si l'on veut, mais nuance qui achève de «typer » cette physionomie canine.

Il n'est donc pas étonnant que cette tête à côté de celle du Saintongeois, si fine, si allongée, n'apparaisse un peu lourde étant donné le développement un peu plus considérable du crâne, la longueur plus grande des oreilles et la forme du chanfrein moins dégagé. Mais si on la compare à celle du Gascon, elle apparaît beaucoup plus légère, plus distinguée et l'on retrouve en somme, mais a son profit, la même différence.

Il était à craindre que le sang gascon ne détruise tout à fait la ligne si pure de l'encolure saintongeoise. Certes cette encolure s'est un peu alourdie par un fanon pas très marqué, mais existant. Elle s'est un peu épaissie, un peu raccourcie, mais elle présente encore, surtout lorsque le chien est en liberté et non accroupi ou maintenu par un collier, un dessin assez pur, très remarquable en somme chez un chien courant méridional.

Comme nous l'avons vu le chien Gascon présente une avant-main remarquable, une poitrine ample dans toutes ses dimensions, aussi bien dans le sens antéro-postérieur que dans l'axe transversal. Au contraire celle du chien de Saintonge,' si elle était très profonde, offrait une distance de l'épaule aux fausses côtes juste suffisantes avec une distance d'avant-bras à avant-bras des plus réduites. Cette poitrine, sous l'effet du sang gascon, a vu toutes ses dimensions, s'élargir ; le devant s'ouvrir sans exagération ; le thorax se développer et tout cela sans que la longueur de l'épaule en fut diminué. Ici donc encore les résultats fournis par le croisement gascon sont excellents.

Au début on ne pouvait toujours en dire autant du rein qui chez beaucoup de sujets avait pris, pour ainsi dire, les défauts du type gascon et parfois sans en prendre les qualités, c'est-à-dire la puissante musculature. M. de Carayon-Latour avait cependant obtenu, à force de soins et de sélections, .des animaux très améliorés sur ce sujet; ils étaient cependant encore un peu longs. C'est que cette longueur de rein est quoiqu'on puisse en penser, un caractère essentiel de la race — à la condition qu'il ne soit pas exagéré -— car il vient en ligne directe de l'ancêtre Saint-Hubert, car il commande certaines qualités cynégétiques du chien de Virelade.

Le croisement gascon se manifeste encore par une amélioration satisfaisante; de l'arrière train. La croupe, si elle n'est pas encore tout à fait horizontale, s'est à peu près arrangée ; l'attache du fouet s'est relevée, la cuisse n'a pas pris plus d'étendue, mais sa musculature s'est bien développée. En un mot les différentes parties qui constituent la machine de propulsion chez le chien se sont bien renforcées. Certes, cette machine n'est pas encore parfaite, elle est cependant très remarquable étant donné surtout sa fabrication exclusivement française.

Le chien Gascon n'a pi cependant transmettre au chien de Virelade des aplombs très réguliers. C'était peut-être trop lui demander et puis cela n'est pas à vrai dire une question de race, mais plutôt le résultat d'un choix judicieux de reproducteurs et surtout d'un élevage intelligent.

L'on pourrait résumer cette étude sur les qualités anatomiques apportées en dot par le chien gascon dans cette alliance saintongeoise par trois mets : «de l'os, du muscle, du sang ». Certes un croisement anglais eut pu donner tout cela, mais c'eut été aux dépens du modèle et de la distinction. Le sang gascon au contraire a achevé de « typer » cette race en lui donnant une très fière silhouette dont l'originalité ne le cède en rien à celle des races les-plus anciennes et les plus pures.

II résulte de ces considérations que le chien de Virelade sera — tout en demeurant élancé — moins héraldique que ne l'était le Saintongeois, Le chien de Gascogne-Saintonge est loin d'être décès animaux en « lame de rasoir» qui semble descendre de quelque blason.   Son anatomie est   avant   tout harmonieuse,   élégante sans   mièvrerie, puissante sans lourdeur, faite de parties qui s'ajustent les unes aux autres si normalement que l'œil du connaisseur est  tout  de suite retenu et séduit.  Un examen détaillé ne  permettra  pas toujours de comprendre la cause de cette excellente impression du prime abord.   11 faudra un peu de réflexion pour saisir qu'elle réside en ce fait que si rien ne  brille particulièrement dans l'anatomie gascon-saintongeoise, rien ne choque non plus : tout   se  confond sans le moindre défaut de soudure dans un ensemble des plus plaisants.

Description du chien de Gascogne-Saintonge.

(Chien de Virelade)

1° Tête.

Crâne. —Assez léger, assez étroit et sec présentant dans le sens antéro-postérieur une courbure moyennement accentuée aboutissant à une tubérosité occipitale nettement marquée. Recouvert par une peau fine, un poil ras et doux. Pas de rides : une seule normale a l'attache de l'oreille.

Chanfrein. — Long, un peu busqué, se rattachant au crâne sans cassure perceptible.

Oreilles. — Attachées très bas» longues, très fines — très papillotées.

Œil. — De couleur foncé brun ou noisette sombre découvrant parfois la conjonctive. Expression: intelligente, douce un peu mélancolique

Nez. — Bien développé, de couleur noire, assez large aux narines très ouvertes.

Lèvres. — Couvrant largement les dents.

Cou — long, de dessin assez net, très peu de fanon, bien sorti, présentant une ligne convexe dans la- partie supérieure.

2° Corps.

Epaules. — Très longues, bien inclinées, à musculature suffisamment développées mais non chargé de chair.

Poitrine. — De forme très régulière très profonde plutôt étroite atteignant îe coude. Côtes demi-rondes très allongées.

Reins. — Un peu long, un peu arqué s'attachant à la cage thoracique sans ensellure ni plongée»

Flancs. — Assez enlevés et plats.

Fouet. — Fin, long, bien attaché et bien porté.

3° Membres

Membres antérieurs. — Ossature  moyenne, avant-bras assez musclés, aplombs corrects.

Membres postérieurs. — Cuisse bien descendue, d'étendue moyenne assez bien musclée.

Pieds — Aux doigts bien ramassés, soles dures et fermes.

4° Poil

Court fin, mais très dense et brillant.

5° Robe

Tricolore, banche avec quelques grandes taches d'un noir brillant de formes très régulières et quelques mouchetures noires dans le blanc. La tête et les oreilles ordinairement noires. Deux taches de feu pâle au dessus des yeux. Feu pâle aux joues. Des mouchetures chamois clair peuvent exister aux pattes,

6° Taille

Mâle, o m. 63  à o m. 68. Femelle, o m, 60 à o m. 65.

7° Apparence  générale

Chien de très noble allure : fin  et paissant,   élancé et vigoureux doué d'une anatomie   des plus harmonieuses.

Défauts.

Tête trop lourde, trop bombée, plate, courte. Chanfrein droit  oreilles plates, oreilles courtes, oreilles attachées haut , oreilles trop longues, fanons trop marqués, encolure courte, poitrine très étroite, poitrine trop large, épaule droite, chargé de viande, épaules non musclées, rein très long , étroit, plongé, croupe avalée, flancs descendus, ronds, Fouet mal attaché, membres frêles, coudes en dehors, jarrets coudés ou écrasés, cuisse très étroite, cuisse plate, pieds écrasés, poil rude ou trop long, feu vif de la robe, robe trop bleue, robe non quatroeillèe, taille insuffisante.

ÉHELLE DES POINTS

Ensemble ...... 5

Tête            4

Corps.          4

Fouet.   .......        i

Membres ......  4

Robe et Poil ....       2

Total.   ....   20 points.

Cette échelle de points est destinée à mettre en valeur — tout en favorisant les qualités générales d'une bonne anatomie canine — l'un des caractères le plus typique du chien gascon-saintongeois : la parfaite symétrie de sa construction. Cette symétrie que les masters anglais recherchent avant toute autre qualité chez leurs fox- hounds, est réalisée autant qu'on peut le demander à un chien français, chez le chien de Virelade. Il fallait donc donner des valeurs égaies aux parties principales de l'animal puisqu'elles doivent être toutes d'équivalente perfection, mais en laissant cependant un point de plus à l'ensemble, c'est-à-dire au type; à la race pour permettre tout classement utile.' Nous croyons en effet que les échelles de points simples sans mutiles complications serviront de plus en plus aux juges du présent et de l'avenir dans les expositions canines. Elles permettent seules un classement raisonné et scientifique, tel que le demandent les éleveurs de plus en plus avertis et mécontents à juste  titre de classements à vue de [nez dus à des juges connaissant peut-être fort bien le chien en général, mais ignorant les caractères distinctifs de chaque race courante

Ajoutons pour être complet ces quelques lignes extraites d'une lettre de M. Aldebert (Chasse illustrée du 21juillet 1907).

« La plupart des chiens de Virelade ont sur la cuisse et jamais sur une autre partie du corps une petite marque grise feuille morte, absolument semblable au poil de chevreuil : cette marque est tantôt isolée, tantôt à la suite d'une marque noire, C'est la fameuse marque de chevreuil des chiens de M, de Saint-Léger... Les chiens qui la portent ont sur eux le sceau indélébile de la plus ancienne et précieuse origine. Il était intéressant ce signaler ce petit point curieux.

En outre de cette symétrique conformation que nous venons de décrire le chien de Gascogne-Saintonge possède des qualités qui, si elles trouvent toute leur application dans la classe des grands animaux, peuvent servir très utilement pour le courre du lièvre.

... Une lande fauve en cette fin d'automne entrouvre l'immensité de la forêt de pins. Dans cette brousse flétrie, nivelée par les premières gelées, une nombreuse meute de chiens à la robe argentée quête autour de ses piqueux qui excitent par quelques discrètes fanfares leur zèle un peu languissant, C'est que cette terre sablonneuse des Landes retient bien mal les voies déjà si légères du lièvre et La meute semble peu s'intéresser à cette infructueuse recherche.   Une  brusque   rafale   de  plusieurs aboiements  fait dresser toutes les oreilles. La meute rallie après quelques sanglâdes aux hésitants, les premiers rapprocheurs et les voix se font plus nombreuses   et plus  nourries.   Une silhouette de berger juché sur des échasses mélancoliques, entrevu tout contre la pinède, se retourne, s'agite  et craignant «pour ses timides animaux, les conduit dans le sous-bois, tandis que quelques palombes volètent effrayées parle croissant tapage, autour des pins leur asile de cette nuit. La voie  s'échauffe  et le tumulte   augmente.   Les hommes poussent leurs chiens.  Les  hurlements se font plus allongés. Le lancé approche. Une fanfare sautillante et joyeuse. Le lièvre est debout. Une même ruée précipite la meute sonore. Les chiens bondissent avec toute la puissance de leurs muscles par dessus les bruyères, griffés au passage par les épines des ajoncs; mais que leur importe maintenant les   morsures de ce piquant qu'ils n'aiment guère ! Ils sont  soulevés emportés, aux trousses du capucin par le démon de la chasse ! Leur galopade furieuse ne les empêche point de crier à tous les échos leur joie de goûter à plein nez la voie délicieuse. Ils vont à toute allure, la tête à bonne hauteur rassemblés à souhait pour le plaisir des yeux. Ils pénètrent dans l’ombre des arbres, mais là une difficulté subite les arrête. Ils prennent leurs devants lentement, mais très régulièrement et apparaissent dans le mystère du sous-bois comme de clairs et motivants fantômes. A cette orée de la forêt le lièvre à sorti toutes les ruses de son sac à malices. Ils cherchent ! cherchent encore ! cherchent toujours avec une vaillante persévérance. Ils débrouillent pouce par pouce l'écheveau embrouillé et soudain toutes les gorges font explosion ! Le défaut est relevé ! En avant !f En avant ! et la poursuite recommence en même temps que le tumulte.

Abandonnons cet-équipage ne sommes-nous pas certain qu'il va bientôt avoir pris son animal?

Nous pouvons maintenant rechercher ce que sont devenues les qualités saintongeoise Sous l'influence du croisement gascon. D'abord en ce qui concerne le nez cette nécessité essentielle du chien courant, i1 était évident que le gascon ne pouvait que l'affiner encore et rendre l'odorat plus subtil. Voilà donc l'un des primordiaux avantages que l'on trouve à la fabrication de ces bâtards franco-français tandis que si l'on use du sang anglais— -surtout de n'importe quel sang anglais—on obtient des animaux parfois très durs de nez en tout cas toujours inférieurs sous ce rapport à la race française que l’on prétendait améliorer. Et ce n'est point là, le seul avantage. Ces Saintongeois nous l'avons vu s'ils étaient doués d'un organe étendu étaient avares de ces beaux hurlements si agréables aux oreilles des cynégètes. La voix du chien gascon encore plus formidable, se répand en une abondance de cris de telle sorte que là ou le croisement anglais aurait produit des chiens presque muets, le croisement gascon a donné une descendance à la gorge puissante, abondante et harmonieuse. Enfin le sang gascon a achevé de coller à leur voie ces saintongeois qui, au moins à la fin d'une chasse, étaient capables de bien des emballements. Ces perfectionnements sont dus tout entier à l'héritage gascon : seul un croisement français pouvait les amènera ce degré d'achèvement.

Ce ne sont point là les seuls bénéfices retirés par le Saintongeois de son accouplement avec le Gascon. Certes le Saintongeois était un animal vite, très vite même en certains terrains, mais il avait, si l'on nous permet cette expression vulgaire, plus de cœur que de ventre. Le croisement avec le chien de M. de Ruble, n'a point touché à cet admirable cœur, mais Ta place dans un coffre où il se trouve plus à l'aise, dans une machine qui lui permet de satisfaire toutes ses ardeurs. Le chien gascon-saintongeois est vite, très vite même pour un chien français, et il n'est peut-être pas à ce point de vue aussi inférieur qu'on a bien voulu le dire à beaucoup de bâtards. Si son allure est un peu moins rapide il est certain qu'il prend son animal souvent tout aussi vite que des anglo-français, grâce à son nez.

Enfin M. de Carayon-Latour était armé à faire de ses gascons-saintongeois des chiens de change très suffisants. Le chien gascon qui n’a en somme que des dispositions à cette qualité, ne pouvait être à ce sujet que d'une utilité relative, mais ce croisement n'a pas détruit cette facilité innée chez le saintongeois pour garder le change et c'était là l'essentiel.

Et cependant malgré ses éminentes qualités le chien de Virelade ne fait qu'un chasseur de lièvre incomplet. La preuve en est dans cette nécessité qui a obligé les équipages du Midi, montés avec le sang de Virelade le plus pur, soit à s'adjoindre quelques briquets soit à faire un nouveau croisement Virelade-Ariégeois. Le gascon-saintongeois manque en effet de ce perçant, de cette activité débrouillarde, de cette intelligence de la chassa indispensable au chien de lièvre. De plus et cela démontre qu'il a dans son origine autres chiens que des St-Hubert, c'est un quêteur flegmatique doublé d'un rapprocheur assez froid. Il rendra donc de grands services, ranimai lancé, pour maintenir la voie à travers toutes les difficultés, pour empêcher l'élément briquet —si la meute en possède — de faire des « en avant » désastreux, pour relever les voies de forlonger, besogne pour laquelle le briquet es tout à fait insuffisant, pour fournir enfin cet ultime effort qui décide du succès de la chasse et que le chien sans race ne veut pas toujours donner. Son rôle reste donc considérable.

Il pourra cependant être choisi par le veneur qui n'hésite point à avoir une meute assez importante pour chasser le lièvre ; par le sportsman qui aime à suivre ses chiens d'assez près, qui s'intéresse à leur travail et prend pour ainsi dire sa part de leur besogne. Si le maître ne veut point se plier à toutes ces exigences, il lui faudra un bon piqueur aimant les chiens et connaissant à fond la chasse du lièvre, î a remonte d'un tel équipage oblige toujours à un élevage assez nombreux car les marchands qui peuvent réunir en quelques heures autant de hounds, voire même de bâtards, qu'on en peut désirer, seraient bien incapables de livrer seulement un couple de bons gascons saintongeois. Cet élevage n'entraînera pas d'ennuis particuliers, il devra être seulement entouré de soins et de précautions si l'on veut qu'ils réussissent

Nous avons, jusqu'à présent, considéré le chien de Virelade en ce qui concerne son utilisation pour la chasse du lièvre et nous avons été entraînés à faire quelques réserves. A notre sens, en effet, le gascon-saintongeois est fait pour chasser les grands animaux. «M. de Carayon-Latour a attaqué et pris des chevreuils {Chasse Illustrée du 21 juillet 1907) à une époque où un fort petit nombre d'équipages sans excepter ceux composés dé bâtards et de purs-sang anglais arrivaient à ce résultat difficile. Dans ses déplacements en Blaisois et en Touraine, il a forcé cerfs et chevreuils avec autant de succès que dans la Gironde et dans les Landes. Cela n'a pas empêché nombre de détracteurs

de dire que le  chiens de Virelade réussissaient dans leur pays parce qu’ils n’étaient aux prises avec aucune des difficultés qu'on rencontre dans certaines contrées. Un défi fut même porté par tous les veneurs de Saintonge à tout équipage de prendre deux chevreuils en cinq chasses en raison des difficultés que présentent dans le pays les innombrables et épais fourrés d'épines. Le baron de Carayon-Latour a relevé le défi, il s'est rendu en déplacement à Pons, chez le marquis de Dampierre. Son équipage a attaqué deux chevreuils et les a pris. Dans son déplacement dans l'Indre et l'Indre-et Loire, chez le duc de Valençay et à la Forêt de Loches, sur cinq chevreuils attaqués, trois ont été pris. « Il faut avoir assisté à ces chasses, écrivait le marquis de Lur-Saluces, pour se faire une idée de ce que sont nos chiens gascons -saintongeois. Quelle menée magnifique ! Quelles gorges superbes ! Quelle tenue jusqu'à la fin ! Quelle sûreté de change I Des bâtards n'auraient pas pris plus vite, car la moyenne des laisser-courre n'a pas dépassé celle des équipages qui sont réputés les meilleurs et las mieux dans la voie. Personne n'osera dire maintenant que l'on ne prend pas avec des chiens français. »

Enfin le chien de Virelade chasse bien le loup, moins bien cependant que le Gascon ; comme ce dernier il -est très courageux pour le sanglier, mais aussi très imprudent et se fait découdre avec une déplorable fréquence. Il vaut donc mieux ne pas l'employer pour courir la bête noire,

M. de Carayon-Latour avait créé cette race gascon-saintongeoise pour en chasser dans les Landes. Il paraît d'abord un peu surprenant de choisir des poils aussi fins pour les mettre en contact avec la bruyère et les ajoncs, il faut même ajouter que le chien de Virelade n'aime guère le piquant. Et cependant il trouve son maximum d'utilité, son terrain de prédilection dans notre Sahara français. Quelles sont donc les conditions particulières à cette-région? C'est d'abord le terrain extrêmement léger, très sablonneux, qui même par temps normal conserve mal le fumet du lièvre. Ces voies deviennent tout à fait mauvaises  sous l'influence du moindre trouble météorologique incapable partout ailleurs de se faire si manifestement sentir. D'où la nécessité d'avoir des chiens extrêmement fins de nez, D'autre part le terra» est recouvert de bruyères d'ajoncs, s'étendant en un tapis hérissé il est vrai, mais formant peu de fourrés impénétrables. Conclusion : il faut, si l'on veut avoir des chiens à poil ras, des animaux de haute taille et un peu long pour qu'ils puissent bondir sans difficultés ni trop grande fatigue par dessus cette végétation rébarbative. Enfin les lièvres qui peuplent ce pays sont très vigoureux et fournissent des chasses dures, ce qui oblige leurs persécuteurs à -se servir d’auxiliaires aux pieds légers.

M. de Carayon-Latour ne cédait pour ainsi dire jamais de ses chiens sauf cependant à quelques rares veneurs de ses amis. Quoiqu'il en soit la race .se répandit peu à peu dans le Sud-Ouest, en Guyenne, en .Gascogne, en Languedoc ; elle servit presque exclusivement à la chasse du lièvre, mais toujours, dans la compagnie d'Ariégeois ou de briquets. Ces différentes provinces présentent des paysages très différents et une topographie assez variée, l’on peut dire cependant qu'elles soient faite de paysages surtout accidentés, les coteaux l'emportent sur les plaines. L'on y rencontre, à peut très tous les terrains depuis la craie jusques aux sables en passant par l'argile qui couvre peut- être la plus vaste étendue. Rares sauf dans les Landes, rares y sont les immenses friches, rares y sont les grandes forêts. Ce sont régions de cultures variées coupées de petits taillis et de bosquets avec quelques incultes où la chasse commencée le plus souvent en plaine, puis dans la brande ou sous les arbres, se poursuit dans les maïs et dans les vignes en automne, dans les labours et les jeunes blés en hiver. La température élevée dans la bonne saison reste tempérée durant les mois froids, mais Raccompagne le plus souvent d'une humidité persistante. Les vents soufflent surtout de l'Ouest, du Midi et eu Sud-Ouest. En ces territoires, comme on peut en juger, assez différents par la physionomie et par le soi, le chien de Virelade a toujours rendu les services qu'on attendait de lui. La cause en est dans ce caractère commun présenté par toutes ces diverses régions : la voie n'y est jamais excellente : elle est le plus souvent mauvaise, elle demande toujours des chiens de très haut nez,

Partout ou des difficultés particulières nécessiteront pour être vaincues des animaux à l'odorat subtil on se trouvera bien de posséder quelque chien de Virelade: il peut s'adapter à tous les terrains, à tous les sols, son anatomie plutôt légère donnera cependant son maximum de vitesse en pays plat ou seulement ondulé, il donnera les plus grandes satisfactions dans les pays de bruyère et de bois clairs. Sa santé parfois délicate ne lui permet pas de vivre sous des climats trop froids; des veneurs anglais ont à plusieurs reprises importé des chiens de cette race mais rares sont ceux qui ont pu arriver à la vieillesse sous ce ciel brumeux.

Ce défaut de vigueur, la quasi impossibilité de se procurer de bons reproducteurs, les ennuis d'un élevage méthodique et soigneux, l'injustice de critiques basées sur des ouï-dire, l'engouement de plus en plus manifeste pour les bâtards furent les véritables raisons qui empêchèrent cette admirable race de se répandre en toute la France  et de se développer comme elle l'aurait méritée.

Elle demeura surtout entre les mains de son fondateur M. J. de Carayon-Latour.

Son équipage fut d'abord monté en une société dont les membres fondateurs furent en outre du maître, le marquis de Lur-Saluces, MM. W. Johnston, Marcillac, Depiot, Ch. de Bethman Wustemberg; les membres sociétaires étaient MM. Jermans Barton, et de Carayon-Latour, Johnston, Lawton, A. de Montesquieu, vicomte de Danguérie, Cluzaut, Ch. de Lur-Saluces, baron de Kam.

Cet équipage avait un premier piqueux du nom de Jacques Barato. Le nom de ce brave homme mérite .d'être transmis aux générations qui nous suivront. Ce n'était point le vulgaire souffleur de trompe que l'on rencontre si souvent derrière les chiens qui, parce qu'il sait quelques termes de vénerie se croit tout à fait indispensable. D'un extérieur poli et modeste il possédait un bon sens rare, une expérience considérable, une connaissance de la chasse sans lacunes. Comme tous ceux de la vieille école il préférait les races françaises aux descendants du hound. Il fut un humble mais précieux collaborateur pour M. de Carayon-Latour qui se plût à rendre hommage à ses qualités en écrivant ces lignes. «Sans sa rare intelligence comme piqueux, sans son parfait dévouement et son amour passionné pour la chasse des chiens français, je reconnais que mon but eut été bien difficilement atteint». Une partie de ce bel équipage fut conduit à la première exposition canine de Paris. Le lot était relativement peu important : il ne comprenait qu'une douzaine de chiens. Mais ils firent l'admiration non seulement de tous les veneurs français et étrangers qui les examinèrent, mais encore du public sans éducation spéciale cependant, mais séduit par l'admirable silhouette l'homogénéité de cette meute. Cette année-là, l'équipage avait un effectif qui pouvait se décompter ainsi ; vingt-et-un chiens, douze lices et dix-sept élèves de superbe venue. Les onze chiens exposés avaient nom : Bélisiaire, Buridan, Butor, Celebro, Claymore, Méduse, Oribas, Pharamond, Princesse, Sirène, Triomphant . À en croire le premier piqueux, ce n'était point si l'on peut dire la fleur de l'équipage et des chiens furent laissés au chenil qui étaient encore plus dignes de représenter la race de Virelade C'est la meilleure preuve que l'on puisse donner des résultats obtenus déjà à cette époque et qui ne devaient arriver au degré de perfection cherché par le maître d'équipage que quatre ou cinq ans plus tard. Cet idéal atteint, M. de Carayon-Latour devait rencontrer les plus épineuses difficultés pour ne le point perdre. La disparition successive des derniers Saintongeois dont il avait hérité de M. de Saint-Legier l'obligeait à avoir uniquement recours aux Gascons de M. de Ruble toutes les fois qu'il lui fallait un sang nouveau dans ses alliances canines. Il fallait alors craindre la prédominance de la couleur bleue, l'apparition du feu rouge, le fanon, une structure plus lourde. Pour remédier à ces défauts trop réels, M. de Carayon-Latour avait pu trouver dans, le Midi chez MM. Prévost, Salvayre, Devize, David, d'admirables étalons du plus pur sang français. C'était là en effet la condition nécessaire réclamée par le maître d'équipage de ses futurs reproducteurs. « Quand en effet M. de Carayon-Latour, écrit M. Aldebert, trouvait l'occasion d'acquérir un ou deux des meilleurs chiens des équipages voisins pour les mettre en ligne et les comparer avec les siens, il ne manquait pas de le faire, mais il ne tirait jamais races ni des mâles ni des femelles. Il ne recevait un chien comme reproducteur qu'après avoir rigoureusement étudié son origine et s'être assuré de la pureté du sang français de ses ancêtres, Je reçus en 1885 des chiennes issues d'une superbe lice envoyée par M. de Montesquieu du Berry à Virelade. Quelque temps après leur arrivée, M. de Carayon-Latour m'écrivit que l'origine d'un des ancêtres de cette chienne lui paraissait suspecte, il avait donné Tordre d'abattre les produire conservés à Virelade. Je fis comme lui, à mon regret, tuer les jeunes chiennes que j'avais reçues. »

C'était poussé par une véritable phobie dut sang anglais que M. de Carayon-Latour mon irait une telle sévérité ! Il usait sans crainte de tous les sangs français rencontrés dans le Sud Ouest; il n'hésitait même pas à se servir de l'Ariégeois. Mais il avait mis tout son orgueil à créer une race seulement et uniquement française, il espérait qu'elle constituerait un véritable exemple pour tous les veneurs qui croyaient que hors des anglo-français il n'y a point de salut. Il était arrivé ainsi à avoir un équipage merveilleux et par sa beauté et par sa bonté. Sa joie était d'avoir pu obtenir ce résultat non par des procédés faciles, par le croisement anglais, mais par des moyens plus longs et plus délicats. Sa fierté était de posséder un des rares grands équipages de France monté avec des chiens de pur sang français. Il voyait dans ce fait une véritable revanche de nos anciennes races sur les importations anglaises et aussi un retour à la vieille vénerie contre notre sport moderne par trop préoccupé de prendre parce que trop mondain.

Ces idées étaient dignes de son esprit élevé. Il semble que son neveu M. de Carayon-Latour qui hérita de son équipage ne les ait point partagées si nous en croyons l'Eleveur du 27 Décembre 1908 où M. de Mauléon expose dans un article très précis, les différents croisements qui furent faits après la mort du créateur de la race.

« Le pur sang anglais, écrit M. de Mauléon, eût été un changement trop brusque qu'on n'a pas osé hasarder. Il fallait trouver des reproducteurs blancs et noirs chasseurs et de haut nez, pouvant donner de la santé et améliorer les défectuosités de conformation afin d'avoir plus, de pied et plus de tenue. M. de Carayon s'arrêta d'abord aux chiens vendéens du Marquis de Lespinay qui avaient dans leur origine du Gascon et du Saintongeois, puis il renforça ses croisements en prenant quelques reproducteurs dans le chenil très connu et également vendéen de M. de Bejarry. Dernièrement enfin il a emprunté du,sang à l'équipage du Prince de la Tour d’Auvergne formée de l'ancienne race du marquis de l'estrade soigneusement sélectionnée par lui et qui s'était aussi renforcé d'une partie de l'Equipage de la Moué lorsque son propriétaire le marquis de Lespinay devenu député eut mis bas. »

Les quelques lignes qui précèdent indiquent bien la nouvelle orientation donnée par son nouveau maître à l'équipage de Virelade. La vieille vénerie fut abandonnée à sa déchéance définitive et l’on gâcha pour un peu plus de vitesse et de tenue les réserves du sang le plus pur et le plus noble qui existait encore en France. On transforma en une meute de bâtards un équipage qui avait eu la gloire de rester jusque-là composé de purs sang français.

Comment en serait-il autrement à une époque où il faut que l'animal soit pris à telle heure, les invités ne devant pas manquer leur train ». (Sport universel Illustré page 781) et où les journaux quotidiens impriment le résultat d'une chasse à courre entre les comptes-rendus de deux réunions mondaines. Le snobisme cynégétique ne date point d'aujourd'hui mais il ne pouvait trouver une période plus favorable à son développement qu'un siècle empoisonné par la maladie du «  paraître ».

Quoi qu'il en soit, les invités ayant besoin de reprendre le train il fallait que la châsse re traîne pas et de même que l'on change le moteur d'une automobile qui ne va pas assez vite contre un autre D'US puissant en H-P, on infusa un peu de sang anglais, c'est-à-dire on ajouta quelques H-P de plus aux chiens de Virelade. Et les invités arrivèrent à la gare non seulement en temps opportun, mais encore fort en avance, MM. les maîtres d'équipage ne pouvant rien sur les retards des trains.

Une fois que l'on nous eut fait admettre l'amélioration des qualités du chien de Virelade par le mélange de ces sangs de bâtards d'ailleurs assez divers, l'on voulut nous persuader, à l'aide de nombreux articles parus dans la presse sportive et à l'aide de dessins plus ou moins photographiques, que l'aspect des chiens de Virelade, nouvelle fabrication, restait bien français, que leur type se rapprochait jusqu'à s'y confondre de la vieille race, qu'enfin s'il y avait une différence il était tout en faveur du récent modèle. Malheureusement l'on nous montra à l'Exposition de Paris en 1908, deux produits de l'équipage de Virelade, Vermouth et Vérone qui furent appréciés ainsi par Taïaut (Chasse Illustrée, 15 juin 1908) « Ce sont de fort jolis chiens mais qui, malgré leurs couleurs bien françaises ont pris le type de nos bâtards, ils ont perdu dans leur tête cette jolie paire d'oreilles attachées bas et ce crâne décharné, ils sont anglaisés, cela ne fait aucun doute ».

Et cependant ces chiens — comme si l’on avait enfin compris la nécessité de revenir au sang pur Français — étaient fils du bel étalon bleu de Gascogne «Major XXIV»à M. de Scoraille.

Comme nous le disions plus haut la disparition totale du chien de Saintonge avait privé la race de Virelade de l'un de ses deux facteurs, peut-être même du plus important. Il était d'autre part évident que cette absence de l'un des deux sangs constitutifs devait se faire chaque année plus manifestement sentir.

Le problème qui se posait à l'héritier de M. de Carayon-Latour, à son successeur en élevage était donc hérissé de difficultés que seule une grande science du chien et de ses races pouvait espérer vaincre. Il avait en tout cas un certain nombre de solutions à expérimenter : la race de Virelade, la grande œuvre de M. de Carayon-Latour méritait qu'on essayât tous les moyens de la sauver avant d'avoir recours à ce remède héroïque et trop souvent destructif qu'est le croisement avec le sang anglais toujours très difficile à manier.

Clair était l'énoncé du problème.

La race Gascon-Saintongeoise est par définition même formée de sang gascon et de sang  saintongeois. Le sang gascon existe encore, le sang saintongeois a disparu. Comment et par quoi remplacer le sang saintongeois ?

Disons tout d'abord qu’à l'époque où les premières alliances, avec les bâtards furent faites à Virelade, il existait encore, dans un certain nombre d'équipages du Midi, de bons reproducteurs gascons saintongeois peu ou pas parents des chiens de M. de Carayon, qui auraient pu permettre avec un élevage raisonné, de ne point user encore pendant quelques armées de sang plus étranger.

Disons encore, qu'il existe toujours des Ariégeois — rares à la vérité, la plupart n’étant que de petits gascons — ayant le type gascon-saintongeois, avec moins de taille il est vrai, mais avec un pedigree remontant assez haut pour pouvoir être employé sans crainte comme reproducteurs et constituer un élément de lutte qui aurait pu être peut-être longtemps efficace contre la consanguinité.

Admettons que ces diverses alliances ne constituent que des palliatifs et aient été capables, non de résoudre les difficultés, mais seulement de les éloigner.

Dans une compréhension très remarquable de l'avenir de sa race et en vue de  lui fournir tous  les  éléments de prospérité, M. de Carayon  avait  fait des expériences de croisement avec le chien Normand et le Blood-hound.  Il n'avait certes pas choisi ces races au hasard : il les avait distinguées parce que comme celle de Gascogne, celle de Saintonge, elles descendent du Saint-Hubert. Les  résultats  de  ces  alliances  furent   franchement  mauvais.   Ils eussent été excellents, si dans  le mariage  gascons-saintongeois, il avait fallu remplacer le reproducteur gascon qui est, toute vigueur et toute majesté, mais commentées chiens normands ou  Blood-hounds auraient-ils pu tenir la place du Saintongeois, qui était toute élégance, légèreté et distinction. M. de Carayon parti d'un principe juste, avait mai posé le problème, ii en était résulté une solution fausse.

Que la loi de l'hérédité nous serve à notre tour de guide, reportons-nous donc aux diverses hypothèses que l'on a faîtes sur l'origine du Saintongeois.

La première qui le fait seulement descendre des races Saint Hubert ne semble point exacte ; elle ne s'est pas vérifiée, en tout cas dans les expériences citées plus haut. La seconde,-qui fait résulter le Saintongeois de l'accouplement du Saint-Hubert et d'un lévrier ou d'un descendant  de   lévrier   aurait pu   être la base  d'expériences variées et nombreuses dont le résultat aurait pu ressembler plus ou moins au Saintongeois, Ceci, n'est point proposition absurde, si Ton songe que les Anglais, nos maîtres en élevage n'ont point hésité à se servir du lévrier pour améliorer leur magnifique race des pointers. Plus près de nous, le braque Dupuy, est quoiqu'on ait pu dire le résultat du croisement d'un braque français avec un lévrier et les amateurs du Dupuy n'hésitent  point   à remettre, de temps en temps du sang de lévrier dans leur élevage. La valeur cynégétique de  cette race, est aujourd'hui bien démontrée par les multiples succès qu'elle a remportés en field-trials non  seulement sur des chiens continentaux, mais aussi sur des pointers et des setters. Une remarque intéressante aussi : c'est que la construction du braque Dupuy se rapproche par plus d'un caractère de l'anatomie saintongeoise.  Il n’y avait ailleurs aucune  difficulté sérieuse à vaincre pour faire ses expériences, qui pourraient être menées en dehors- du sang de Virelade, sans qu'il en fut gâché une seule goutte : Le chien Gascon représente assez bien le Saint- Hubert, il eut été facile de trouver un bon reproducteur de cette race; le facteur lévrier aurait pu être figuré par un représentant de cette noble famille des greyhounds dont l'origine est lointaine et qui fut toujours sélectionnée avec tant de soins. Il y avait là un vaste champ  d'expérience des plus intéressantes et dont le résultat aurait été peut-être remarquable, si l’on songe à ceux qu'elles ont donnés en des races d'e chiens d'arrêt.

Reste enfin la troisième et dernière hypothèse, qui admet parmi les ancêtres du saintongeois un chien blanc du Roy. Certes nous n'avons pas la prétention de trouver au XXe siècle, un animal de haute lignée} mais nous pouvons rencontrer parmi ses descendants, parmi les chiens de Céris-Montemboeuf le reproducteur tel que nous l'aurions besoin : haute taille : 24 pouces environs tête fine, allongée oreille demie longue et bien tournée poitrine très profonde  rein harpé, robe en général toute blanche, élégance  et distinction parfaite. Ajoutons que ces chiens, très chasseurs, très fin de nez, sont vites et ont une vigueur suffisante; Ce sang employé avec discernement — quoique plus difficile à manier que celui du lévrier — aurait pu maintenir longtemps- la race de Virelade à son degré de perfection tant anatomique que cynégétique.

Nous avons été obligés dans ces dernières pages d'écrire beaucoup de : peut-être, beaucoup de : conditionnels. C'est que les résultats que l'on pourrait attendre de toutes ces expériences et qui théoriquement devraient être excellents resteront sans doute toujours enveloppés d'incertitude et de mystère. Il faut le regretter pour la cause du chien de pur sang français qui semble avoir été abandonné à Virelade, non pas tant à cause de la difficulté qu'il y avait à vaincre la consanguinité, mais surtout parce que le genre de chasse ne convenais plus au maître d'équipage qui voulait prendre vite comme avec des bâtards.

A côté du grand et célèbre équipage de Virelade, il y avait jadis dans le Sud-Ouest d'autres meutes moins importantes, mais cependant très remarquables et composées de pur sang français, Gascons - Saintongeois. Elies n'existent plus aujourd'hui. Certaines ont disparu, les autres ont évolué de deux façons assez différentes soit vers le briquet, soit vers le bâtard. C'est ainsi que MM. de Vezins et Aldebert (de Milhau), ont infusé comme nous le verrons dans le prochain chapitre du sang d'Ariégeois à leurs chiens de Virelade. A vrai dire M. Aldebert dont les méthodes sont un peu spéciales et qui sélectionne à peu près uniquement sur les qualités cynégétiques7 a usé beaucoup plus largement de l'Ariégeois que M. de Vezins dont la très belle meute est encore voisine par son anatomie de la pure race Gascon-Saintongeoise. D'autres maîtres d'équipage ont demandé à M. de Carayon-Latour, des reproducteurs du nouveau style, leurs chiens ont donc une certaine quantité de sang anglais. Il pourrait en résulter des conséquences singulièrement graves si l'on voulait se servir de ces animaux pour perfectionner ou mieux fixer la race de l'Ariège. Il y a là un danger d'autant plus grand que nombreux sont les équipages qui possèdent l'un et l'autre sang.

De tous ces faits exposés sans parti-pris avec le seul souci de la vérité n'avons-nous pas le droit de conclure par cette phrase que nous écrivions déjà en tête de ce travail.

« La race Gascon-Saintongeoise n'est pas encore morte, mais elle est en bonne voie de disparition».

 

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