Le chien de Saintonge
Une ancienne race de chiens
de meute disparue.
Il est toujours intéressant
en toutes matières de remonter aux sources. Les éleveurs et amateurs de
chiens d'ordre et de grands chiens courants liront avec profit et agrément
les textes qui vont suivre.
Ainsi, il pourra être
constaté avec regret que la race de Saintonge n'existe plus depuis longtemps
ainsi que le Vicomte E. de la
Besge l'écrivait déjà en 1885. Cette disparition peut-elle
être considérée comme consécutive à celle du loup ?
En effet, le Saintongeois
était un spécialiste de cet animal. Cet exemple du passé pourrait, je le
crains, se reproduire si la chasse à courre venait à cesser.
Qu'adviendrait-il de nos races contemporaines de grands chiens d'ordre et
courant ? Il est difficile d'envisager leur reconversion en chiens de
compagnie ou de garde. Peu à peu il se raréfierait pour ne plus demeurer qu'à
l'état de souvenir. C'est pourquoi, il importe que ceux qui aiment la chasse
aux chiens courants, à courre et à tir, s'unissent dans l'union pour défendre
leurs sports et par voie de conséquence leurs chiens.
Il pourra aussi être conclu
que le Saintongeois est à l'origine de nos principales races actuelles de
chiens d'ordre et de grands chiens courants. Bien sûr, le sang de Saintonge
coule dans les veines des Gascon Saintongeois et des Blancs et Noirs mais
aussi dans celle des Poitevins et Tricolores.
Nous devons à l'amabilité
de M. Guy Blanquet, Veneur de lièvres des causses, la disposition du texte
ci-dessus signé du grand peintre de Vénerie Georges Mignet, et extrait d'une
plaquette intitulée : « recensement pour l'année 1931 des chiens appartenant
aux membres du club du chien Gascon Saintongeois et du Chien Bleu de Gascogne
»
D'après les renseignements
et documents qu'il m'a été possible de recueillir, voici de quelle manière,
je m'autorise à parler du grand chien d'ordre français, le noble chien de
Saintonge.
La noblesse du chien de
Saintonge a été célébrée de temps immémorial par les meilleurs bonheurs de
France, et son antiquité est admise de tous, comme en témoignent les
anciennes tapisseries et les vieux tableaux ou son type est parfaitement
reconnaissable, mais aucun écrivain cynégétique. N'a pu donner de véritables
certitudes, sur son origine à une époque antérieure à la grande révolution.
Voici cependant un document
d'avant la révolution et que je crois être le seul à connaître ; il n'a pas
trait précisément au Saintongeois lui-même, mais il m'apparut digne de
figurer dans l'histoire du Gascon Saintongeois qui lui est intimement liée.
J'estime donc qu'il mérite
d'être considéré ici ; c'est qu'il serait possible que le sang de Saintonge
et celui de Gascogne aient été mélangés déjà sous Henri IV et cela au coeur
de la Saintonge.
En effet, mon regretté ami,
le Comte Pierre de Bremond d'Ars possédait, dans ses papiers de famille,
plusieurs lettres d'Henri IV adressées à son parent le Marquis de Balanzac ;
à la fin de ces lettres, le roi ajoutait : «... Et mes chiens, comment se
portent-ils ?
Ce fait prouve que le
Marquis de Balanzac élevait des chiens pour Henri IV, chien de Gascogne
probablement comme on le verra dans la suite.
Les Balanzac possédait le
château et la terre de Balanzac, situé auprès du petit bourg de ce nom, en
pleine Saintonge entre Saintes et Marennes ; or le Marquis de Balanzac
était hier apparenté au Marquis de La Porte-aux-Loups, chez lequel nous trouvons le
plus certain document relatif au Saintongeois, mais qui ne date que de la
révolution, comme je le signale plus haut.
Ce document le voici, je le
copie dans l'ouvrage de Pierre Megnin, P. 91, la race de Saintonge.
« D'après une note écrite
de la main d'un gentilhomme, le Marquis de La Porte-aux-Loups et
conservé dans les papiers de sa famille au moment où éclata la révolution de
1789, les derniers représentants de l'antique race Saintongeois race étaient
:
Une lice nommée Minerve et
deux chiens, Mélanthe et Fouilloux. Ces chiens laissés au château de
Beaumont, à quatre ou cinq km de Gémozac, lors de 14 émigrations du Marquis,
furent recueillis par un régisseur fidèle qui les ramena sains et saufs à
leur maître lorsqu'ils put rentrer en France.
M. de La Porte-aux-Loups,
quelques années plus tard, donna ses trois chiens à M. de Saint-Légier, son
neveu, qui en fit la souche de la nouvelle race de Saintonge, encore
perfectionnée par des croisements, bien entendu. (Journal des chasseurs cités
par le Comte le Couteult). Il est donc permis de supposer que des croisements
entre les chiens Gascons d'Henri IV, élevé par les Balanzac, et les
Saintongeois du Marquis de La
Porte-aux-Loups ont eu lieu dès cette époque, puisqu'il est
de notoriété certaine qu’Henri IV a possédé des Gascons et qu'il est avéré que
la race des Gascons de Bruka venait de ce monarque »
Je sais très bien ne
formuler que des suppositions, au sujet des croisements signalés
précédemment, mais j'aurais du moins eu le plaisir de relever l'existence des
lettres d'Henri IV qui nous apprennent qu'il faisait élever des chiens en
Saintonge, et d'éveiller l'intérêt et la curiosité sur cette question.
Il serait important de
savoir à quel moment les Saintongeois furent introduit à Beaumont ; pensant
que la famille des La
Porte-aux-Loups n'est pas éteinte, je souhaite vivement que
parmi ses descendants, il s'en trouve qui veuille bien faire des recherches
de nature et jeter un peu de lumière dans ce crépuscule.... Mais les voies
sont de hautes terres.
Dans le commencement du
XIIIe siècle, Monseigneur de Foudras-Châteauthiers, évêque de Poitiers, fit
ce même croisement au château de Dissay, maison de campagne des évêques de
Poitiers, avec un étalon Bleu de Gascogne et une lice de Saintonge, et la
race des chiens Bleus de Foudras est restée célèbre.
Plusieurs auteurs signalent
que le chien de Saintonge présentait dans son ensemble l'aspect d'un lévrier
; pour ma part, j'ai été peu frappé par cette analogie dans les chiens près
du sang Saintongeois qu'il m'a été donné de voir ; il est cependant remarqué
qu'ils étaient plutôt secs et enlevés et que quelques rares individus
offraient certains rappels du lévrier seulement dans les détails de
construction.
Des croisements avec des
lévriers peuvent très bien avoir lieu dans l'espoir d'augmenter le train qui,
par suite de mauvais élevage, tendait à baisser ; on est en droit de penser
que ces croisements ont été faits avec des lévriers de Saintonge qui
jouissait, paraît-il, d'une grande célébrité. J'ai lu en effet quelque part,
qu'un grand seigneur n'hésitait pas autrefois à échanger un cheval de prix
contre un beau lévrier de Saintonge, et ce fait me fait devoir retenir
l'attention des Veneurs.
J’arrive maintenant à la
fameuse marque de chevreuil et à la livrée blanche et gris souris que
possédaient certains individus d'origine Saintongeoise pure indiscutable et
je me permets, à ce sujet, de donner mon modeste avis personnel.
Pour moi, ces marques poil
de loup plus ou moins fauves et ces taches gris souris, sont les coups en
arrière, vers des animaux complètement étrangers au sang de Saintonge, et mes
déductions s'appuient sur ce fait qui m'a été communiqué par un vieux
chasseur de mon pays, Boiveau, célèbre preneur de lièvres, passionné pour la
race qui nous occupe et dont les chiens, légèrement briquetés, que j'avais vu
chez lui et en chasse, étaient, quelques-uns du moins, quoiqu'un peu diminué
de taille, d'admirables types de l'ancien Saintongeois, tel son fameux
Capitaine, et Jupiter que j'ai possédé.
Le père Boiveau habitait
l'Ermitage, près de Montendre. Perdu au fond des bois de pins, touchant un
magnifique étang créé par son propriétaire, l'Ermitage était le type de la
demeure modeste, mais passionné chasseur de lièvres, le père Boiveau ne
chassait qu'à pied et armé d’une longue canne ; son aspect avec sa longue
barbe inculte était celui d'un patriarche de la vénerie, tel qu'il est apparu
souvent en songe à ceux que passionne le noble déduit.
C'était un fin connaisseur,
un véritable professeur, et je remercie Saint-Hubert de me l'avoir fait
connaître ; or il m'a donné comme une certitude que le Comte de Saint-Légier
avait fait des croisements de loup avec ses purs Saintongeois toujours pour
augmenter le train et donner du mordant.
D'autre part, on est en
droit de croire que pour combattre l'anémie et la baisse de pied, qui
assaillent les Saintongeois, les Veneurs d'autrefois ont souvent recouru aux
chiens fauves, notamment au Gris de Saint-Louis dont les qualités de vitesse
et l'allant étaient connus et bien faites pour ajouter ce qui manquait au
vieux pur sang de Saintonge.
Je n'ai vu qu'un chien
franchement de cette livrée blanche et gris souris, c'était Damoiseau, qui
m'avait été gracieusement offert, en échange de son portrait, par le Comte
Elie de Vezins, le célèbre Veneur chez lequel le sang de Saintonge le plus
fashionable avait été conservé précieusement, comme on le sait. Damoiseau
était de cette grande lignée, il était par Monarque et Royale, étalon et lice
célèbres du chenil de Vezins.
À mon avis, les marques de
chevreuil et la livrée blanche et gris souris n'ont pas d'autres causes que
l'introduction d'un sang étranger à celui du Saintongeois, et s'il m'était
donné de reprendre l'élevage du chien de Saintonge, je ferais mon possible
pour les éliminer et tenterais tout pour les faire disparaître, estimant que
l'unité de la livrée blanche et noire, avec marques feu pâle qui représente
vraiment le type, doit seul être respectée.
Comme successeur du Marquis
de La Porte-aux-Loups,
les deux Veneurs les plus célèbres de Saintonge furent :
Le Comte de Saint-Légier,
qui habitait le château d’Orignac près de Saint-Genis de Saintonge
(Charente-Maritime), puis le Docteur Clémot, médecin très connu autrefois à
Rochefort-sur-mer et dont le chenil était situé à sa propriété de La Salle, près de Pont l’Abbé
d’Arnoult, à 5 km
de chez moi.
Je suis souvent allé à
cheval en promenade à La Salle,
car le site très pittoresque et encore très boisé, m'attirait par son
souvenir, mais le chenil est presque entièrement détruit et il reste peu de
vestiges.
Quelques années avant sa mort,
M. Belenfant père, Château de Trisay, à 6 km du Pinier, me racontait que dans sa
petite enfance, il avait vu passer le dernier loup chassé par l'équipage de
ces messieurs, dans une prairie dont il me donna le nom ; ce fait daterait
actuellement d'environ 95 ans.
Les Saintongeois avait
certes une grande endurance, puisqu'il est avéré que le Comte de Saint-Légier
ayant attaqué un loup dans les Landes de Montendre (Charente inférieure), fut
le prendre quatre jours après dans les montagnes du Limousin.
Les Veneurs qui le
suivaient n'étaient pas moins acharnés, on cite encore, dans le pays, les
prouesses d'un piqueur du Comte de Saint-Légier, qui à la suite d'un grand
loup, n'hésita pas, cramponné à son cheval, à traverser la Charente à la nage.
Je veux consigner ici que
la trompe à la Dampierre
du Comte de Saint-Légier, est actuellement possédée par M. René Belenfant,
parfait veneur, fils du précédent, au château de Trisay, et que c'est sur mon
insistance à la demander à son arrière-petit-fils, le Comte Auguste, que M. B
Belenfant, s'en est rendu l'heureux possesseur ; elle fut retrouvée dans un
grenier du château d'Orignac, entièrement bosselée... Elle avait vu le feu...
Dominant le fracas de la meute des hurleurs Saintongeois, combien de glorieux
hallalis n'avait-elle pas sonné !
J'ai dans ma collection de
trompes la chance de voir figurer au premier rang, celle du Comte Henri de
Saint-Légier, petit-fils du grand preneur de loups, elle aussi accuse ses
états de service ; le Comte Henri, qui posséda des chiens issus de son
illustre aïeul, était une trompe remarquable et un excellent veneur, il
découpla longtemps sur chevreuil en forêt de Chizé.
Je crois aussi devoir citer
Adhemar de Pouthiers comme Veneur en Saintonge, vers 1860 ou 1825 ; en chasse
aux environs de Saujon, il lui arrivait quelquefois de demander au grand-père
de Mme Mignet d'ouvrir les portes de la cour du logis des Pierrières pour
laisser passer l'équipage, cela le raccourcissait pour gagner les grands bois
situés en arrière de la propriété et lui évitait la traversée du hameau
voisin. J'ai eu l'occasion de le voir, il était aussi excellent et intrépide
Nemrod que trompe distinguée.
L'équipage de M. M.
Hennessy de Cognac, au Pas des Chaumes, forêt d’Aulny, a compté de nombreux
Saintongeois qui, si je ne me trompe, descendaient des chiens du Marquis de
Dampierre, château de Plassac, près de Saint-Genis de Saintonge (Charente
inférieure) peut être ces derniers avaient-ils du sang de Virelade, car le
Marquis était en relation de chasse avec le Baron Joseph de Carayon-Latour.
Sur l'indication de mon
regretté ami Henri de Bonsonge, sportman bien connu à Saintes, et qui suivait
l'équipage du Pas-des-Chaumes, j'ai retrouvé à Bagnolet, propriété de M. M.
Hennessy, près de Cognac, deux peaux de ces chiens, qui m'ont paru provenir
d'animaux absolument dans le type Saintonge, du moins quant à la livrée.
Les oreilles de l'une
étaient noires avec large liste entre les yeux et une lune au milieu du front
une petite tache à l'arrière du fouet et quelques rares mouchetures ; les
oreilles de l'autre étaient noires également, le front entièrement blanc, pas
d'autres taches noires sur le corps, mais des mouchetures plus nombreuses et
un peu plus apparentes. L'équipage du Marquis de Dampierre a joui longtemps
une grande célébrité, j'ai toujours compris qu'au début, tout au moins, il
provenait des chiens Saintongeois du Comte de Saint-Légier ; ma mère m'a
souvent raconté qu'elle les avait admirés à une cavalcade à Saintes,
circonstance pour laquelle le Marquis avait eu l'amabilité de les envoyer.
M. d’Auzay posséda aussi
des Saintongeois, il est à présumer qu'il découplait avec le Docteur Clémot,
puisqu'il était de la même région.
En dernier lieu, la famille
d’Auzay habitait Soubile, petit bourg près de Rochefort sur mer, distant
d'environ 18 km
de La Salle
où le Docteur Clémot avait son chenil.
Les chiens de Saintonge
furent aussi en grand honneur en Poitou et dans la Haute-Vienne les
célèbres équipages des l’Hermite et des Montbron avaient une certaine dose de
ce sang. Les Saintongeois furent souvent croisés avec les Hauts-Poitevins,
les Laryes, les Céris et les Charentais de la race de Montemboeuf et
donnèrent des éléments fort précieux dans les croisements avec l'anglais.
En forêt de Bois-Blanc
(Charente), où je fis mes premières armes, j'ai vu un admirable Saintongeois,
Briffant, tout à fait ancien type qui venait du chenil d'Henri de Bernède,
bouton des équipages du Vicomte Émile de la Besge et du Comte Raoul de Maichin.
Les propriétaires de
Saintongeois en étaient très jaloux et il est connu que le Comte de
Saint-Légier en était absolument avare.
Ces chiens étaient très
légèrement truités sous poil blanc (mais les mouchetures ne se voyaient pas
sous poil avec de rares taches noires d'ébène, les deux oreilles étaient
souvent noires, mais souvent aussi l'une d'elles était blanche, blanche et
noire, une blanche mouchetée ; un oeil entièrement dans le blanc était
fréquent, et dans cette circonstance, l'amande feu pâle au-dessus de l'oeil
n'existait pas.
J'ai cependant vu, deux
fois seulement, la présence de l'amande au-dessus d'un oeil dans le blanc,
mais j'estime que cela est de la plus grande rareté.
Souvent une petite tache
ronde à la naissance du fouet, quelquefois prolongée de 8 à 10 cm sur le fouet,
fréquemment une lune à peine de la grosseur du poing sur l'un des flancs.
Ils étaient légèrement
truités sous poil, mouillées, ces mouchetures se voyaient davantage, mais
j'en ai vu qui, à quelques mètres, ne paraissait pas du tout mouchetés.
Le poil très ras partout et
presque absent sur le chanfrein aux environs immédiats de la truffe, aux
épaulettes, les oreilles, sous le ventre et à l'intérieur des coudes et des
cuisses, toutes ces parties apparaissaient d’une teinte rosée puisqu'elles
laissaient voir la peau.
Les feux qui étaient
extrêmement pâles (citron lavé), quelquefois presque blancs, n'existaient
qu'à des emplacements réguliers, à savoir :
1° au-dessus de chaque oeil
en forme d'amande.
2° sur une ligne d'un petit
centimètre de largeur et d'environ 4 cm de longueur sur le prolongement du pli
qui se forme autour et en arrière de l'oeil si la peau est ramenée en avant.
3° sur les joues, mais
seulement si la tache noire était descendue à cet endroit.
4° sur le liseré de chaque
oreille.
5° autour de l'anus et en
dessus des côtés de la naissance du fouet, à condition qu'il existe à cet
endroit une tache noire ; à ces places le feu n'était qu'un mince liseré
bordant les parties inférieures de la marque noire.
Palais, vulve, testicules,
noirs aussi.
Tout le tissu du vrai
Saintongeois apparaît comme celui d'un animal de sang.
Ils étaient de la plus
haute taille, le Baron de Couteulx de Canteleu est le seul auteur qui, à ma
connaissance, donne des précisions à ce sujet, 24 à 28 pouces (0,66 m à 0,77 m).
La tête très décharnée,
plutôt longue que courte, laissant lire facilement l'ossature du crâne, l'os
occipital très sorti, la paupière inférieure un peu tombante (ce qui est à
éviter), la truffe très grosse et légèrement relevée par suite de son énorme
développement, le chanfrein presque droit et la cassure avec le front (stop)
marquée sans exagération cependant.
Les oreilles demi longues
attachées très bas, de tissu très fin et bien roulées en dedans, le rein manquait
souvent de largeur et était un peu trop droit ; dans le bon Saintongeois, il
le faut large et légèrement en voûte (je dis légèrement, car un chien dont le
rein est trop court ou trop bombé, ne galopera jamais dans un si beau style
que celui dont le rein est relativement plus droit et plus long) ; l'arrière
main un peu plus élevé que l'avant main, construction logique du chien
courant d'ordre, bien fait et par conséquent vite.
La poitrine très profonde
atteignant franchement la pointe des coudes, le flanc retroussé, les boyaux
remontés et fermes.
Ils étaient un peu trop
droits sur leurs membres antérieurs et avaient la cuisse trop plate (manque
d'élevage), les jarrets, à mon sens, doivent être un peu coudés, ce qui est
signe de vitesse. Leur fouet long et très effilé était le plus souvent porté
bas, sauf en chasse. Ils avaient l'encolure très longue (encolure de sirène)
sans fanon, l'encolure très longue et une preuve indéniable de sang. La patte
de lièvre, plutôt longue, avec doigts très serrés. Ensemble enlevé et léger,
mais fort en muscles plutôt un peu long que court.
Ils marchaient volontiers
l'amble et avaient l'allure particulière et significative de grands chiens de
haut lignage.
Tous les Veneurs qui ont
cultivé ce sang sont unanimes à reconnaître qu'aucun grand chien d'ordre
n'avait la tournure plus noble et plus fashionable.
Leurs gorges quelquefois un
peu sourdes étaient incomparables, leur façon de crier les retardait un peu,
car à ce moment ils ralentissaient au point de s'arrêter tant ils paraissaient
prendre plaisir en prolongeant leur coup de gorge, la tête très élevée, mais
cela se produisait surtout sur des voies hautes car dans les débuchers, ils
savaient bien dépêcher la besogne.
« Peu mordant, dit le
Couteulx de Canteleu, dans la Vénerie Française, Paris MDXXXVIII, page 57,
sans ambition, gêné au fourré par sa grande taille, il va sans se presser,
confiant dans son odorat et son fond étonnant, plutôt que de mettre bas, il
consentira peut-être à chasser en queue, mais sa ténacité viendra à bout de
tout ; au débucher, son dos à ressort le placera en bon rang et après douze
heures de courre sur un vieux loup, fera couler à fond le brillant matador
qui, le matin, le laissait loin derrière lui. Très droits dans leur voie, ils
possédaient vraiment ce qu'on appelle le grand chasser et la grande tenue :
leur qualité de change est restée célèbre et c'est cette dernière
particularité si précieuse qui les a si souvent fait employer dans la
création de bâtard.
Ils étaient délicats,
petits mangeurs et par suite difficiles à élever.
J'ajoute ici quelques
nouvelles lignes qui me paraissent d'un grand intérêt.
Après la publication de cet
article dans la revue cynégétique et canine « l'Eleveur », en octobre 1926,
un maître, dont la science et l'érudition font autorité, le Commandant G de
Marolles, dans le numéro du 28 novembre suivant, a bien voulu me confier
certains détails dont je n'étais pas assez sûr pour les consigner dans cette
étude.
Mon ami Henri de Lacaze, me
faisant le grand honneur de désirer voir figurer cette étude, dans le
«Recensement 1931 » du Club du Chien Bleu de Gascogne, et du
Gascon-Saintongeois, je ne pouvais trouver une meilleure occasion de les
signaler.
Je tiens tout d'abord à
témoigner ma profonde reconnaissance au Commandant G de Marolles pour les
mots élogieux qu'il m'adresse au sujet de ce travail ; si j'en suis confus,
je dois dire aussi que, venant d'un homme d'une documentation aussi
considérable, ils m'ont causé un très réel plaisir ; il me fait observer que
je cite Monseigneur de Foudras de Chateauthiers, comme entretenant un
équipage de Gascon-Saintongeois, dits Bleus de Foudras, mais je ne signale le
fait qu'après mes très éminents devanciers chroniqueurs déjà nommés, qui eux
aussi, sont tombés dans la même erreur motivés par les anecdotes, plus
imaginaires que véritables, du grand conteur, le célèbre Marquis de Foudras.
Or ce Monseigneur de
Foudras de Chateauthiers, veneur, ne serait, d'après le Commandant, qu'un
mythe inventé de toutes pièces ; me méfiant du romancier, j'en avais un
pressentiment, mais les grands auteurs ayant parlé avant moi, je leur faisais
confiance.
Les recherches du
Commandant G de Marolles prouvent également qu’en réalité, le nom de Bleus de
Foudras a été donné aux chiens créés entre 1804 et 1810, avec Gascons et
Saintongeois, par Monsieur Étienne des Roches Chassaix, chevalier, seigneur
de Marit, ancien officier de l'armée de Condé, bisaïeul du Comte de la Porte, le grand sonneur.
Je reviens aux chiens de
Saintonge, regrettant bien vivement que la date de leur introduction à
Beaumont reste inconnue ; il en est de même du retour du Marquis de la Porte-aux-Loups chez
lui, après son émigration ; à ce moment qu'elle était l’âge de ces trois
fameux descendants de la race : Minerve, Mélanthe et Fouilloux ? Mystère
encore. Le Commandant G de Marolles se le demande aussi, en faisant fort
justement observer que, si leur propriétaire a voulu en tirer race dès son
arrivée, qui n'a pu, et cela est historique, avoir lieu au plus tôt qu’en
novembre 1799, les trois chiens avec un âge qui les rendait des reproducteurs
bien aléatoires ; il ajoute qu'il serait logique d'entendre simplement que le
Marquis de la Porte-aux-Loups,
donna au Comte de Saint-Légier leur descendance. Mon avis est que cette
supposition peut très bien être considérée comme une certitude.
D'autre part, si j'ai dit
que le Marquis de la
Porte-aux-Loups avait donné ces trois chiens quelques
années plus tard à son neveu, le Comte de Saint-Légier, c'est que ce fait est
mentionné dans la note publiée par Pierre Mégnin, et citée plus haut.
Songeant à d'autres
commentaires dont on a bien voulu honorer ma prose, j'ajoute que si j'ai
donné aux Saintongeois la qualité de rapprocheurs, c'est pour la bonne raison
que ceux que j'ai vus ou possédés près de ce sang l’avaient.
Je fais ici allusion aux
chiens que le regretté Comte Elie de Vezins me procurait et qui avaient un
courant de sang Saintongeois indéniable.
Il a été écrit que les
chiens du Comte de Saint-Légier ne rapprochaient pas et qu'il était obligé
pour lancer de se servir de briquets. Un veneur limousin de vieille souche,
le Comte Adrien de Montbron, affirme que son grand-père avait reçu des chiens
provenant du chenil du Comte de Saint-Légier ne méritait pas le dur reproche
que je cite plus haut, attendu que le fait de rapprocher est une des plus
belles qualités d'un chien courant, qui contribue à lui faire mériter
l'expression de tenue.
Je sais que beaucoup de
chiens d'ordre sont très froids dans cette circonstance, mais qu'ils
possèdent cette précieuse disposition, cela différencie avantageusement leur
chasser de celui du briquet qui, en plaine, par exemple, danse sur les voies
de rapprocher, ne paraissant préoccupé que d'aller au premier boqueteau,
chercher à faire sauter un animal quelconque au bout de son nez, à l'inverse
du chien de haute lignée qui, grand seigneur, tient à s'acquitter noblement
de son devoir, selon toutes les règles de l'art.
N'est-il pas à propos de
citer ici cette phrase qu'un maître, le Comte Auguste de Chambot, écrit dans
son livre «La Chasse
du Chevreuil et du Cerf » page 71.
« Rien n'était plus beau
que de voir la meute de Monsieur de Saint-Légier, rapprochant en plein midi
sur des plaines calcaires et dénudées, des voies de vieux loups, qu'elle
allait lancer parfois à cinq ou six lieues de décupler ».
Je me fais un devoir de
donner les deux versions et pour en finir, je crois intéressant de citer le
passage par lequel, dans une de ses lettres, M. G. Hublot du Rivault donne sa
version sur la manière dont pris fin l’équipage du Marquis de La Porte-aux-Loups :
« Monsieur de Saint-Légier a dit et répété au Vicomte Emile de la Besge, Monsieur de la Porte-aux-Loups a
partagé sa meute de trente chiens en trois, dix me furent donnés, dix à du
Paty, et dix à Clémot pour avoir sauvé son fils d'une grave maladie, enfin
que le Comte de Saint-Légier n'admettait pas la trompe ». Je crois pouvoir
ajouter : à ses chasses aux loups. Cela est fort possible et probablement
vrai, car il est avéré que de grands vieux loups ne pouvaient être enlevés au
milieu de la meute, dont ils paraissaient faire partie, qu'au son de la
trompe et à coups de fouet.
Que le Comte de
Saint-Légier se soit ou non servi de la trompe, dans ses chasses de loups ou
dans d'autres, je ne supprime pas l'histoire de celle trouvée à Orignac,
puisqu'elle est véridique et qu'elle est un document provenant de cette
demeure célèbre en Vénerie; elle a pu être employée dans d'autres
laisser-courre que ceux du loup et que pratiquait le maître de temps à autre
; quoiqu'il en soit, elle n'est pas la seule que nos vieux chênes aient
entendue à l'époque où la grande Vénerie était en honneur dans mon vieux
pays.
Le même correspondant veut
bien me dire qu'il tient de source véridique, comment le Baron Joseph de
Carayon-Latour devint possesseur des chiens de Saintonge qu'il utilisa pour
la création de la nouvelle race dite de Virelade, je crois que peu de
personnes le savent ; c'est au château de Bruka que le Comte de Saint-Légier
convié par le Baron de Ruble, rencontra pour la première fois, ce tout jeune
bordelais, Joseph de Carayon-Latour, qu'il prit en si grande affection et
plaça si haut dans son estime, qu'il lui envoya, quinze ou dix-huit mois plus
tard, une dizaine d'élèves conservés à son intention. J'ignorais le lieu de
la rencontre des célèbres veneurs, mais j'ai appris, d'autre part, que le
Baron de Ruble, qui chassait souvent le loup à Durance, dans les Landes de
Gascogne, poussait parfois jusqu'à Casteljaloux où il retrouvait, place de la Cardine (Chardonneret) à
l'hôtel Girod, aujourd'hui désaffectée, le Baron Joseph de Carayon-Latour.
Les deux maîtres couplaient ensemble pour attaquer les louvards dans les
vallées de l'Avance et de Ciron. Au soir de quelque chasse fameuse, et il y
en eut, témoin celle de ce loup qui fut forcé et servi au couteau avec l'arme
de Monsieur de Lusignan, après neuf heures de chasse, des projets de
croisement purent être ébauchés qui devaient, dans l'avenir, fleurir si
heureusement à Virelade. Mais ceci est une autre histoire.
Le Vicomte Émile de la Besge aurait également
raconté que le Comte de Saint-Légier servait ses chiens lui-même et cependant
l'anecdote de son piqueux traversant la Charente sur son cheval, m'a été affirmée comme
absolument véritable par plusieurs vieillards des environs de chez moi ; pour
tout concilier on peut supposer que ce piqueux n'était qu'un valet de chiens
monté.
J'ai dit avoir compris que
les chiens de Monsieur Hennessy provenaient du chenil du Marquis de
Dampierre, mais il ne serait pas étonnant que d'autres facteurs aient étés
introduits au Pas-des-Chaumes, ce qui autoriserait la version de M. G. Hublot
du Rivault, lequel aurait entendu certifier que ces chiens avaient été
donnés, par testament et au nombre de neuf, par le Comte de Saint-Légier
lui-même, avec sa promesse de n'en pas céder.
Au cours de cette étude, je
souhaitais de connaître si les La Porte-aux-Loups avaient laissé des descendants
; or, dans le numéro de l’Eleveur du 9 janvier 1927, le Commandant G. de
Marolles nous apporte le résultat de ses recherches, ce dont nous le
remercions évidemment.
Ces renseignements
proviennent d'une famille également ancienne et voisine de celle en question,
les voici : la famille de La
Porte-aux-Loups a été très éprouvée depuis 1850 et leur
domaine a, depuis longtemps, changé de propriétaires ; il restait encore deux
frères quand la grande guerre a éclaté ; l'un d'eux y est mort, l'autre a
achevé son droit, s'est marié avec Mademoiselle Targé, aussitôt après la
guerre et est parti s'installer comme avocat en Indo-Chine. Tout porte à croire
qu'au point de vue vénerie, aucune précision nouvelle ne pourra jamais nous
parvenir.
En terminant, je tiens à
saluer la mémoire des vieux veneurs de mon cher pays, en particulier celle du
Comte de Saint-Légier et du Docteur Clémot, qui vinrent à bout, avec leurs
Saintongeois, des derniers loups de notre pays, malheureusement, dirai-je
avec les fanatiques de cet incomparable déduit, leurs souvenirs est encore
par quelques rares vieillards. Hélas ! Nous n'entendons plus le beau bruit
des clameurs de ses nobles meutes, dont les gorges hautaines et qui se
mariaient si bien avec les accents de triomphe de la trompe, alarmaient si
âprement les échos de notre vieille Saintonge.
Georges MIGNET
Peintre de Vénerie
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