Le choix des reproducteurs et consanguinité
L'apparition de la vie, puis les milliards d'années
d'évolution ont abouti non seulement à l'homo sapiens, mais aussi à toutes les
formes de vie sur notre planète. S'il est certain que les protozoaires et les amibes
sont nos lointains ancêtres, les années, les climats, les hasards des mutations
génétiques ont joué leur rôle pour faire de nous ce que nous sommes.
Si demain vous décidez de recréer l'homme à partir
d'amibes, il vous suffira de quelques milliards d'années, de retrouver les
conditions climatiques géologiques et l'activité solaire identiques aux
milliards d'années déjà écoulées et d'avoir une incroyablement improbable
chance d'obtenir les mêmes mutations génétiques pour y arriver.
Pour votre élevage, il en est un peu de même en ce qui
concerne le choix des reproducteurs. Plus vous partirez de reproducteurs d'un
haut niveau, plus il y a de probabilités (il s'agit bien de probabilités et non
de certitudes !) que vous réussirez à avoir de beaux chiots. Si vous ne
profitez pas du travail de sélection de la nature et des éleveurs qui vous ont
précédé, avec du temps et de la chance vous y arriverez peut-être aussi. Ce
n'est qu'une question de probabilité. Vous n'aurez par contre AUCUNE chance d'y
parvenir si le capital génétique de tous les reproducteurs successifs que vous
allez utiliser ne comporte pas les gènes des caractères recherchés. Il vous
faudra attendre une mutation génétique favorable, et alors là : patience
et bonne chance !
Partons du postulat que vous possédez une petite
femelle et que vous voulez avoir de beaux chiots. Votre chienne étant d'un
certain niveau, elle transmettra la moitié de ses gênes à ses bébés, l'autre
moitié proviendra de l'étalon. Le niveau de l'étalon peut être jaugé au travers
des instruments de sélection (voir grille de sélection) qui, s'ils ne sont pas
absolus car principalement basés sur le phénotype, méritent tout de même
d'exister. Plus l'étalon en question sera consanguin, plus il aura de chances
d'être homozygote pour les caractères recherchés et plus vous aurez de chances
de les récupérer pour vos futurs bébés. Voila pourquoi il est plus que
souhaitable que non seulement le niveau de l'étalon soit élevé et supérieur à
celui de votre chienne, mais encore qu'il soit issu d'une lignée fortement
consanguine.
Si vous souhaitez de beaux chiots, mettez un maximum
de chances de votre côté. La situation idéale est que les 2 géniteurs soient de
vrais cracks, ce qui relève du loto lorsqu'on démarre son élevage en achetant
la femelle à 2-3 mois. L'étalon "crack" lui, même s'il n'est pas chez
vous, reste souvent accessible.
Dès que vous vous serez lancé dans le choix des
reproducteurs, vous vous trouverez donc face à un point incontournable, la
consanguinité. Elle peut être la meilleure et la pire des choses car elle a
pour particularité de fixer les caractéristiques génétiques d'une souche. Ces
caractéristiques peuvent être très recherchées ou pas du tout et on parle alors
de tares.
Chez les animaux sauvages qui vivent en société, généralement
seul le mâle dominant s'accouple avec les femelles qui sont souvent ses sœurs,
ses filles, ses cousines etc… Soit il a de grandes qualités génétiques qui
seront fixées dans sa souche du fait de la consanguinité et cette souche
perdurera. Soit il véhicule certaines tares génétiques préjudiciables et à
nouveau du fait de la consanguinité elles seront fixées aussi mais, soumise la
rigueur de la sélection naturelle qui ne tolère aucune faiblesse, sa souche
ainsi diminuée finira par disparaître.
Tous les dangers de l'élevage consanguin décidé par
l'homme résident là. L'homme qui sélectionne par consanguinité ses animaux
reproducteurs n'est pas, loin s'en faut, aussi rigoureux que la nature par
rapport aux animaux qu'il aura produit. Il s'acharnera à essayer de faire vivre
et reproduire les sujets porteurs de tares génétiques importantes allant ainsi
droit vers l'impasse et la catastrophe. Voila pourquoi beaucoup de spécialistes
(vétérinaires) mettent la consanguinité à l'index : ils n'ont (souvent à
juste titre) qu'une confiance limitée dans les capacités et la rigueur de la
sélection de l'éleveur et préfèrent conseiller une voie à moindre risque.
N'oublions pas toutefois que de nombreuses grandes
races de chiens sont issues d'un nombre très restreint de géniteurs.
La consanguinité existe dans la nature et est partout
autour de nous. D'ailleurs ne peuvent s'accoupler que les espèces avec un
certain degré de consanguinité (un chien avec un chien mais pas un chien avec
un chat). Il ne faudrait donc parler que de degré de consanguinité et non pas
de consanguinité tout court. Si aucune n'apparaît dans le pedigree de votre
chien, vous la retrouverez si vous pouvez "remonter" de quelques
générations de plus. Ce n'est donc qu'une question d'information.
Si dans le pedigree de vos chiots apparaît à plusieurs
reprises le nom d'un géniteur, cela prouve une consanguinité plus ou moins
forte. Ce qui importe c'est de connaître la valeur génétique de ce géniteur.
Est-il reproducteur Elite, a-t-il reproduit de très beaux sujets, a-t-il un
excellent caractère ? Si la réponse est oui c'est une consanguinité
intéressante. Si au contraire c'est un chien quelconque, à la limite du type et
qui a déjà notoirement transmis des tares c'est une consanguinité
catastrophique.
La consanguinité permet l'établissement de souches
avec des caractéristiques fixées. Il est intéressant ensuite, si l'on veut
introduire dans cette souche d'autres caractéristiques qui lui manquent de
procéder à une retrempe, à savoir de trouver un reproducteur d'une autre souche
bien distincte (mais avec une consanguinité forte à l'intérieur de cette
souche) et chez laquelle ces caractéristiques qui manquent à la première sont
bien fixées.
Pour simplifier, si votre chienne a de très belles
oreilles et que c'est le cas de presque tous ses frères, sœurs et cousins et
que ces belles oreilles sont dues au reproducteur X très présent dans leur
ascendance, il est souhaitable de la marier avec un chien issu d'une souche
consanguine sur le reproducteur Y où la situation est la même concernant les
yeux. Ainsi vous aurez des chances d'avoir une partie des chiots avec de belles
oreilles et de beaux yeux et qui retransmettront ces deux facteurs à leur
propre descendance.
Notons au passage que, du fait de l'homozygotie
qu'elle induit, seule la consanguinité permet l'éradication de certaines tares
dues à un gène récessif.
Si c'est une méthode de choix pour un bon élevage de
sélection, la consanguinité ne pardonne pas la médiocrité des géniteurs ou du
sélectionneur vis-à-vis des gènes majeurs. Ceux qui auront eu la chance de
partir avec un bon stock de gènes et de peu se tromper en route auront
d'excellents résultats. Inversement si un éleveur clame qu'il est contre la
consanguinité, il proclame du même coup son ignorance et son incompétence.
Pourquoi alors cette odeur de soufre autour de la
consanguinité ? Tout d'abord parce que chez les humains elle est entourée
de considérations morales, religieuses ou patrimoniales qui n'ont rien à voir
avec la génétique. La génétique humaine elle-même est "suspecte" dès
que l'on s'y intéresse. Certains exemples du passé récent ont d'ailleurs de
quoi nous faire frémir et méritent de rester longtemps dans la mémoire
collective. Notre éthique nous interdit toute sélection génétique sur l'homme.
L'homme se permet de braver les lois de la nature et
de la génétique grâce aux progrès d'une médecine de plus en plus performante.
Il a même pratiqué la génétique à rebours en envoyant d'une part se faire tuer
à la guerre des classes entières de "jeunes mâles sains" et laissant
à la maison et, oserais-je dire "à la reproduction", les autres.
Heureusement les survivants, le "système D" et les
"planqués" ont quelque peu atténué ces aberrations.
Il n'en reste pas moins que comme en éducation,
l'anthropomorphisme n'est pas de mise en sélection canine et nous ne devons en
aucun cas transposer en génétique animale les interdits et les tabous que nous
impose la morale en génétique humaine.
* Beaucoup d'entre vous l'auront constaté, cet article
est fortement inspiré par les travaux du Professeur Guy Queinnec.
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