Notions de Génétique
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[Considérations sur la Race][Les Régions du corps][Les Types Morphologiques][Anatomie de l'Appareil Locomoteur][Allures et Locomotion][Nomenclature des Robes][La Notion de Standard][Conduite de l'élevage][Notions de Génétique][Le Comportement Social du Chien][Principes de Jugements]

 

CHAPITRE IX
NOTIONS DE GENETIQUE
Professeur Jean-François COURREAU
Service de Zootechnie, Ecole nationale vétérinaire d'Alfort

 

 

La génétique est la science de l'hérédité. C'est à Grégoire Mendel (1822 - 1884) que l'on en doit les fondements, vers 1865, mais ce n'est qu'au XXème siècle qu'elle s'est développée et diversifiée. On sait maintenant qu'un mammifère dispose de quelques dizaines de milliers de gènes dont quelques milliers seulement (mais c'est déjà énorme) participent à l'originalité de chaque individu.

Ce chapitre est destiné à fournir les bases d'une culture générale en génétique : déterminisme génétique des caractères qualitatifs et quantitatifs, maladies génétiques, méthodes d'amélioration génétique. Pour approfondir ses connaissances, le lecteur pourra se reporter avec profit à deux ouvrages :

Génétique et sélection chez le chien, du Professeur Bernard Denis (éditions SSNOF - PMCAC)

Amélioration génétique des animaux d'élevage, d'un collectif d'enseignants d'écoles d'agriculture (collection INRAP, éditions Foucher).

I - BASES CELLULAIRES DE LA GENETIQUE

A - LE MATERIEL GENETIQUE 1 - Les chromosomes

Un organisme est composé de plusieurs milliards de cellules. Chacune de ces cellules contient toute l’information génétique propre à l'individu, mais, en fonction de son rôle dans l'organisme, elle n'utilise qu'une partie de cette information.

L'information génétique est portée par des formations cellulaires particulières, appelées chromosomes, qui sont situées dans le noyau de la cellule. Habituellement invisibles, tes chromosomes deviennent visibles lorsque la cellule se divise, précisément lors d'une étape de la division cellulaire appelée métaphase. C'est au cours de cette métaphase que l'on peut, grâce à une préparation en laboratoire, compter les chromosomes et étudier leur forme: cette représentation de l'ensemble des chromosomes constitue le caryotype.

Le caryotype du Chien se compose de 78 chromosomes. Ces chromosomes vont par paires, c'est pourquoi on donne habituellement le nombre de chromosomes sous la forme 2 n = 78; les deux chromosomes d'une paire sont dits homologues; 38 paires sont constituées par deux chromosomes morphologiquement semblables qui portent le nom d'autosomes, et une paire est constituée par deux chromosomes très différents dénommés hétérochromosomes ou chromosomes sexuels. Dans chaque paire de chromosomes, l'un vient du père, l'autre de la mère. Dans la paire d'hétérochromosomes, le plus grand vient de la mère et est appelé X, le plus petit vient du père et est appelé Y.

Du point de vue chimique, le chromosome est une combinaison entre une très longue molécule, l'acide désoxyribonucléique, appelé communément ADN, qui contient l'information génétique et des protéines (les histones) qui représentent un "emballage". L'ensemble ADN + protéines constitue ce qu'on appelle la chromatine : le chromosome est un long filament de chromatine.

2 - L' ADN

L'ADN est une molécule dont la structure est extrêmement complexe. Elle est composée de millions d'éléments de base, les nucléotides, comparables aux maillons d'une chaîne. Chaque nucléotide est composé d'un acide (l'acide phosphorique), d'un sucre (le désoxyribose) et d'une base azotée (l'adénine, la guanine, la cytosine ou la thymine). Ce qui fait l'originalité d'un nucléotide, c'est donc la base azotée particulière qu'il possède.

On peut maintenant définir, du point de vue chimique :

le gène : c'est une suite de nucléotides placés dans un ordre parfaitement défini, unique et responsable d'une fonction particulière; cette fonction est assurée par l'intermédiaire de la synthèse d'une protéine que commande le gène;

les gènes allèles ou, simplement, allèles : ce sont des variantes du gène, responsables d'une même fonction, mais chacune est caractérisée par une suite de nucléotides légèrement différente des autres et, de ce fait, l'expression de la fonction est, elle aussi, légèrement différente; à partir d'un gène originel, les allèles sont apparus lors de mutations c'est-à-dire lors de modifications héréditaires de la nature chimique du gène originel

L'emplacement d'un gène sur le chromosome est appelé locus.

B - LA TRANSMISSION DES GENES

Toutes les cellules d'un individu possèdent toute l’information génétique et la même information génétique car toutes les cellules possèdent les mêmes chromosomes. Ces chromosomes sont des copies de ceux que possédait la première cellule, appelée oeuf, constituée par la fusion entre l'ovule et le spermatozoïde à la suite de la fécondation. Cette première cellule s'est multipliée en des milliards de cellules filles par un phénomène appelé mitose qui assure la transmission intégrale des chromosomes de cellule à cellule.

1 - La mitose

La mitose est un phénomène de division cellulaire permettant d'obtenir deux cellules dites filles à partir d'une cellule dite mère. Les événements qui se succèdent sont les suivants :

avant la mitose, la cellule est en interphase, c'est-à-dire au repos; en prévision de la mitose à venir, les filaments de chromatine (ou nucléofilaments) composant les chromosomes vont se dédoubler en synthétisant une copie d'eux-mêmes; à la fin de cette synthèse, le nucléofilament original et sa copie ne sont plus liés qu'en un endroit appelé centromère.

juste au début de la mitose, les nucléofilaments se pelotonnent sur eux-mêmes (on dit qu'ils se condensent), ils deviennent courts et épais, visibles au microscope: c'est l'étape de la métaphase où les chromosomes sont repérables et peuvent être décrits pour composer le caryotype.

au milieu de la mitose, le centromère se divise et le nucléofilament original et sa copie se séparent : c'est l'étape de l'anaphase où la cellule contient donc 4 n chromosomes (soit 156 chez le Chien); ensuite, original et copie s'éloignent l'un de l'autre, l'original gagnant une extrémité de la cellule, la copie l'autre extrémité; à chaque extrémité de la cellule, il se constitue ainsi un groupe de 2 n chromosomes.

à la fin de la mitose, la cellule va synthétiser une paroi neuve entre les deux groupes de chromosomes, ce qui revient à créer deux cellules pourvues chacune de la totalité de l’information génétique.

après la mitose, les nucléofilaments se décondensent, redeviennent invisibles; la cellule est à nouveau en interphase.

Ainsi, chaque cellule fille porte exactement le même patrimoine génétique que la cellule mère. Ce patrimoine est constitué de 2 n chromosomes. Or, les cellules sexuelles, ovules et spermatozoïdes, ne contiennent que n chromosomes (39 chez le Chien). Ceci est permis par le phénomène de méiose.

2              - La méiose

La méiose concerne exclusivement un groupe de cellules particulières, appelé lignée germinale, présent dans les ovaires et les testicules. Par la méiose, ces cellules vont donner des ovules et des spermatozoïdes : c'est la gamétogénèse, c'est-à-dire la formation des gamètes ou cellules sexuelles.

La méiose est une division cellulaire originale par laquelle une cellule mère à 2 n chromosomes (on la dit diploïde) donne des cellules filles, les gamètes, à n chromosomes (on les dit haploïdes). Ceci tient au fait que, lors de l'anaphase, ce ne sont pas les originaux des chromosomes et leurs copies qui se séparent pour former deux groupes de 2 n chromosomes, mais les chromosomes homologues de chaque paire : ainsi, à chaque extrémité de la cellule, se constitue un groupe de n chromosomes; ces deux groupes sont ensuite séparés par la synthèse d'une nouvelle paroi cellulaire.

La méiose est ainsi un événement fondamental dans la transmission du matériel génétique : en effet, c'est à ce stade que les gènes allèles sont séparés, redistribués dans des cellules différentes par la disjonction des couples de chromosomes homologues. De plus, compte tenu du nombre relativement élevé de chromosomes et du parfait hasard qui préside à la disjonction des couples, on peut dire qu'il n'y a pratiquement pas deux gamètes porteurs du même bagage génétique.

Cette séparation des gènes doit être compensée par une étape de réunion afin de retrouver un patrimoine génétique complet à 2 n chromosomes. C'est ce que permet la fécondation.

3              - La fécondation

L'ovule et le spermatozoïde, pourvus chacun de n chromosomes, fusionnent en une seule cellule, l'oeuf, à la suite de la fécondation. Doté ainsi de 2 n chromosomes comme toute cellule normale, l'oeuf va pouvoir se développer en un nouvel individu dont chaque cellule possède la moitié du patrimoine génétique maternel et la moitié du patrimoine paternel.

Avec la méiose, la fécondation est l'autre événement fondamental dans la transmission génétique. La rencontre d'un ovule et d'un spermatozoïde est, là aussi, le fait du hasard : les nouvelles paires de chromosomes homologues sont imprévisibles. Ainsi, le nouvel individu issu de l'oeuf est unique car la combinaison des chromosomes qu'il possède est unique; seul, un jumeau vrai peut détenir la même.

H - DETERMINISME ET TRANSMISSION GENETIQUE DES CARACTERES

Quand on décrit un chien, on fait l'inventaire de ses caractères. Employé dans ce sens, le mot "caractère" correspond aussi bien à la longueur ou la couleur du poil qu'à la hauteur au garrot, la forme de l'oreille, le port de la queue, la présence d'une maladie génétique ou encore la qualité du flair... ou celle du caractère (= le tempérament).

Tous ces caractères sont régis par des gènes dispersés sur les chromosomes. Chacun de ces caractères est commandé par un ou des gènes spécialisés qui ne concernent que lui. Le nombre de gènes régissant un caractère permet de le placer dans l'une des deux grandes catégories de caractères. Il faut d'abord préciser ce que sont ces deux catégories pour bien comprendre ensuite comment se transmettent les caractères.

A - DEUX CATEGORIES DE CARACTERES

Selon le nombre de gènes qui les commandent, on regroupe les caractères en deux catégories:

- 1ère catégorie: ce sont des caractères commandés par deux gènes allèles, occupant un locus, l'un venant du père, l'autre de la mère; on les appelle caractères qualitatifs car, pour les décrire, on utilise des mots qui expriment leur qualité: "la robe de ce chien est noire" (elle pourrait être marron, rouge, etc.; il y a un nombre limité de possibilités); la variation des caractères qualitatifs est discontinue;

-              2ème catégorie: ce sont des caractères commandés par plusieurs gènes voire un très grand nombre de gènes, occupant plusieurs locus; la moitié de ces gènes vient du père, l'autre moitié de la mère; on les appelle caractères quantitatifs car on les décrit par une quantité: "la hauteur au garrot de ce chien est de 61 cm" (elle pourrait être de 62 cm, 63,5 cm, etc.; il y a un nombre très grand de possibilités, surtout si la mesure est faite avec précision); la variation des caractères quantitatifs est continue.

1              - Quels caractères sont qualitatifs?

Les caractères qualitatifs concernent:

-              la phanéroptique (ce qui compose l'extérieur de l’animal) : couleur de la robe, type de poil (court ou long, lisse ou dur), port d'oreille (érigé ou tombant), etc.;

-              la morphologie: type de membres (normal ou basset), type de face (normale ou courte), etc.; ainsi, il s'agit de cas où coexistent un type normal et un type "mutant" très distinct;

les maladies génétiques: plus de 200 dont quelques dizaines sont importantes, telles que atrophie progressive de la rétine, cataracte juvénile, hémophilie de type A, etc.;

le caractère: il n'est pas aisé d'avoir des certitudes dans ce domaine mais, comme pour la morphologie, cela pourrait correspondre à des cas bien particuliers, consécutifs à des mutations et se distinguant franchement des types normaux, tels que forte agressivité, forte apathie, etc..

2              - Quels caractères sont quantitatifs?

Les caractères quantitatifs concernent:

la phanéroptique: nuance de la couleur de la robe (fauve rouge, fauve orangé, fauve doré, etc.), nuance du type de poil (court à très court, long à très long, etc.), nuance du port d'oreille (plus ou moins érigé), etc.;

la morphologie: toutes mensurations corporelles (hauteurs, longueurs, largeurs), poids, angles des articulations;

les maladies génétiques: plus de 50 dont un quart sont importantes, telles que dysplasie de la hanche, absence de dents, cryptorchidie, etc..

le caractère: comme pour la phanéroptique, nuance de types caractériels normaux (peu actif à très actif, peu stable à très stable, etc.).

les performances de travail: vitesse de course, saut, mordant, flair, voix, etc.; beaucoup de ces caractères sont mesurés par des notes.

B - TRANSMISSION DES CARACTERES 1 - Transmission des caractères qualitatifs

Les caractères qualitatifs sont des caractères qui obéissent aux lois de Mendel, d'où leur autre nom de caractères mendéliens. Un caractère qualitatif est commandé par une paire de gènes allèles: ces allèles sont tous deux récessifs ou tous deux dominants ou l'un récessif, l'autre dominant.

Rappelons que:

un allèle récessif ne peut commander son caractère que si l'autre allèle de la paire est récessif aussi; autrement dit, si l'autre allèle est dominant, le récessif reste en sommeil.

un allèle dominant est toujours actif et commande son caractère, que l'autre allèle soit récessif ou dominant; parfois, avec deux allèles dominants, le caractère s'exprime plus fortement qu'avec un seul.

NB: à ce schéma simple, il faut apporter quelques nuances qui concernent bon nombre de caractères:

la codominance : il n'existe pas de rapport de dominance entre les deux allèles de la paire, pourtant différents, et tous les deux sont actifs; on dit qu'ils sont codominants;

la dominance incomplète : l'allèle récessif n'est pas complètement inhibé par l'allèle dominant; il s'exprime plus ou moins faiblement dans le phénotype;

l'épistasie : l'expression phénotypique d'un gène, récessif ou dominant, est masquée par un autre gène non allèle, c'est-à-dire situé à un autre locus.

En matière de transmission, on retiendra les principes essentiels suivants:

un chien de phénotype récessif porte deux allèles récessifs (il est homozygote récessif); chacun de ses parents portait au moins un allèle récessif; chacun de ses enfants recevra de lui un allèle récessif.

un chien de phénotype dominant porte au moins un allèle dominant, l'autre allèle est soit dominant (le chien est homozygote dominant) soit récessif (le chien est hétérozygote); si le chien est homozygote dominant, chacun de ses parent portait au moins un allèle dominant, et chacun de ses enfants recevra un allèle dominant; si le chien est hétérozygote, au moins un de ses parents portait au moins un allèle dominant, la moitié de ses enfants recevra son allèle dominant et l'autre moitié recevra son allèle récessif.

Pour prévoir le phénotype des chiots d'une portée pour un caractère, il faut donc, à l'évidence, mais cela n'est pas toujours facile:

savoir quels sont les allèles qui peuvent commander le caractère et quelle est leur hiérarchie en matière de dominance: cela, on l'apprend par la lecture et par l'expérience (surtout celles des autres). Exemple simple: il existe deux allèles qui se situent au locus (B) et qui commandent la synthèse des pigments eumélaniques, c'est-à-dire foncés, l'allèle B pour le "noir" et l'allèle b pour le "marron", B "noir" dominant b "marron".

savoir quels sont les allèles portés par le père et la mère pour le caractère: c'est la méthode et la patience qui permettent de le déduire (au moins en partie), d'après le phénotype de leurs parents et/ou le phénotype de chiots précédents, en appliquant les principes essentiels énoncés ci-dessus.
Exemple simple: un étalon noir porte forcément un allèle B "noir"; si l'un de ses parents est marron, l'autre allèle est b "marron", mais si ses deux parents sont noirs, on ne peut rien dire; s'il a des enfants, on pourra peut-être le dire, surtout si on connaît les allèles de la lice.

2 - Transmission des caractères quantitatifs

Un caractère quantitatif est commandé par un ensemble de plusieurs gènes ou de nombreux gènes. On considère que tous ces gènes ont, individuellement, la même importance.

Le principe de base de la transmission est simple: pour chaque caractère, un chien donne la moitié des gènes régissant ce caractère à chacun de ses produits. Donc, l'enfant tiendra pour moitié du père et pour moitié de la mère pour ce caractère. Du moins, en théorie, car en réalité chaque parent donne plus ou moins de la moitié de ses gènes. Ainsi, il arrive souvent que l'enfant ressemble plus à l'un de ses parents. Exemple simple: un étalon faisant 4 cm de plus au garrot que la moyenne des mâles de sa race est accouplé à une lice ayant la taille moyenne des femelles de la race; en moyenne, à l'âge adulte, les chiots feront 2 cm de plus que la moyenne des individus de leur sexe, mais certains feront plus, d'autres moins. Le hasard joue donc un grand rôle.

Cependant, mis à part le hasard, l'expression phénotypique est nuancée par les interactions qui peuvent survenir entre gènes non allèles, du type de l'épistasie. Ceci intervient d'autant plus que les individus sont fortement hétérozygotes, donc que leurs parents sont éloignés génétiquement.

Enfin, il faut savoir que les conditions dans lesquelles vit un animal influencent parfois considérablement l'expression phénotypique des caractères quantitatifs, alors que ce phénomène est très rare chez les caractères qualitatifs. Ainsi, des conditions d'élevage médiocres peuvent contrarier l'action des gènes commandant ces caractères quantitatifs et donner des résultats moins bons qu'espérés.

Il est donc essentiel de retenir que la variation d'un caractère que l'on observe dans une race s'explique, d'une part, par les différences génétiques entre les individus composant la race, d'autre part, par les différences de conditions de vie passées et actuelles entre les individus. Il existe un paramètre qui, pour chaque caractère, indique la part de l'influence génétique dans la variation de ce caractère : l’héritabilité (symbole : h2). L’héritabilité varie entre 0 et 1, mais est rarement supérieure à 0,7; proche de 0, elle montre que le caractère varie surtout en fonction des conditions de milieu de vie des animaux, proche de 1, elle montre que le caractère varie surtout en fonction de la qualité génétique des animaux.

IIl - DEUX EXEMPLES DE CARACTERES

A - UN EXEMPLE DE CARACTERE QUALITATIF : LA COULEUR DE LA ROBE CHEZ LE CHIEN

La couleur de la robe chez le Chien est en fait la résultante de plusieurs caractères dont les expressions (les phénotypes) se superposent.

La grande variété des robes chez le Chien fait croire que le déterminisme génétique des couleurs de robe est extrêmement complexe. En fait, c'est assez simple dans la plupart des cas.

1              - Préambule

Pour bien comprendre ce développement sur la génétique de la couleur de la robe, il faut avoir lu auparavant le chapitre consacré à la nomenclature des robes. Seuls, quelques rappels seront faits ici.

Le poil de l’animal sauvage, en particulier celui du loup, contient deux types de pigments: l'eumélanine, pigment sombre (noir à marron) plutôt présent à la pointe du poil, et la phaeomélanine, pigment clair (rouge à jaune) plutôt présent à la base du poil

Les nombreuses robes observées chez le Chien sont la conséquence de mutations qui agissent dans trois directions: élimination de l'un ou l'autre des pigments, atténuation de l'intensité d'une ou plusieurs couleurs, extension ou régression des couleurs sur le corps.

Ces trois évolutions peuvent se combiner. Elles déterminent les grands types de couleurs de robe qui seront envisagés en allant des plus simples aux plus compliqués. La présence de blanc dans la robe sera étudiée à la fin.

Avant de commencer, il faut préciser que les gènes de huit locus sont nécessaires (dans une première approche) pour déterminer la robe d'un chien. On les appelle A, B, C, D, E, G, M et S.

2              - Les robes primaires

Les robes primaires sont des robes dont tous les poils de couleur sont identiques,

 a - Les robes à poils unicolores

a1 - Les robes sombres

Ce sont les robes noire ou marron. On ne voit donc que l'eumélanine. La robe marron correspond aussi aux appellations chocolat, foie et, parfois, châtaigne ou châtain.

Les gènes en cause se situent au locus (B), la lettre B venant de "Black". A ce locus, on peut trouver les allèles B+, dominant, et b, récessif. Dans une race où n'existe que le noir, tous les chiens sont de génotype "B+.B+"; s'il n'existe que le marron, tous les animaux sont "b.b". Dans une race où coexistent noir et marron, on en déduit que:

- un chien noir peut être de génotype "B-KB+" ou "B+.b"; on n'obtiendra des chiots marron (environ 25 %) que si un étalon est "B+.b"et qu'il est accouplé à une lice elle aussi "B+.b".

Tableau résumé des loci intervenant dans la détermination de la couleur de la robe (d'après "Génétique et sélection chez le chien", Bernard Denis, éditions SSNOF - PMCAC)

Dans chaque série d'allèles, ceux-ci sont classés par ordre de dominance décroissante.

1              - Loci déterminant la couleur de base

Locus B :        B+      eumélanine noire

b        eumélanine marron

Locus A :        As extension de l'eumélanine (noir uniforme)

A+          "gris loup" originel

Ay          fauve charbonné

as            fauve à manteau

at            noir marqué de fauve

NB : de A+ à as, la dominance n'est pas toujours complète

Locus E :        Em  masque noir

E+           laisse agir les gènes aux autres loci

ebr          présence de bringeures

e              effacement total de l’eumélanine

NB :    Em et ebr sont codominants

entre E+ et ebr, la dominance est incomplète entre ebr et e, la dominance est incomplète

Interactions entre locus A et locus E :

As est épistatique sur Em et ebr

Ay et as s'expriment en même temps que Em

at s'exprime en même temps que ebr

ebr est épistatique sur Ay et as

e est épistatique sur tous les allèles en A

2              - Loci affectant l'intensité de la pigmentation

Locus C :        C+      laisse agir les gènes aux autres loci

cch      éclaircit la phaeomélanine et l’eumélanine marron

c         albinisme total (très rare)

Locus D :       D+      laisse agir les gènes aux autres loci

d         dilution de l’eumélanine et de la phaeomélanine

Locus G :       G        robe normale à la naissance, puis apparition progressive de poils blanchâtres G+      laisse agir les gènes aux autres loci

NB : entre G et G+, la dominance est incomplète

Locus M :       M       robe bigarrée (merle) chez l'hétérozygote ou blanche chez l'homozygote M+     laisse agir les gènes aux autres loci

3              - Loci de panachure :

Locus S :        S+  robe uniformément colorée (taches blanches très discrètes possibles)

si             panachure limitée

sp           panachure irrégulière

sw           panachure envahissante

NB : tous ces allèles ont des relations de dominance incomplète

- un chien marron est de génotype "b.b"; il ne donnera des chiots marron qu'avec une chienne "b.b" (100 % de chiots marron) ou "B+.b"(environ 50 % de chiots marron).

Le génotype d'un reproducteur noir peut donc être révélé par la couleur de robe de ses descendants. La recherche d'un ascendant marron est l'autre moyen de soupçonner qu'il possède un gène "b"; si cet ascendant est père ou mère, la présence est certaine.

Ces quelques principes de génétique mendélienne, rappelés ici pour la série B, s'appliquent de la même façon aux séries de gènes à venir.

a2 - Les robes claires

-.Ce sont toutes les robes qui vont du jaune au rouge (pigments phaeomélaniques). Elles correspondent à de nombreuses appellations, telles que froment, citron, doré ou golden, orange, châtain, acajou. En fait, toutes ces robes peuvent être regroupées en une seule: la robe dite fauve. Il faut faire intervenir ici le locus (E), la lettre E venant de "Extension de l’eumélanine". Les robes fauves ont toutes en commun de posséder le génotype "e.e". Celui-ci a la propriété d'effacer toute trace d'eumélanine, comme si les gènes "B+" et "b" ne fonctionnaient pas. Le gène "e" est récessif et l'allèle dominant originel correspondant est "E+"; tous les animaux qui ont du noir ou du marron dans la robe le possèdent et sont soit "E+.e", soit "E+.E+".

Ensembles, les gènes de la série B et de la série E vont réaliser des génotypes à quatre gènes. Dans une race où coexistent noir, marron et fauve, un chien fauve peut être de génotype "B+.B+" -"e.e" ou "B+.b" - "e.e" ou "b.b" - "e.e". Si ne coexistent que le noir et le fauve, un chien fauve est "B+.B+" - "e.e".

Enfin, on explique les grandes différences de tons entre les robes fauves par l'existence de gènes dits modificateurs qui éclaircissent ou foncent la couleur. Ces gènes déterminent un caractère quantitatif que l'on pourrait appeler "Eclaircissement gradué de la couleur de robe"; ce caractère peut faire l'objet d'une sélection au même titre que l'on peut sélectionner sur la hauteur au garrot.

o3 - Les robes diluées

II s'agit des couleurs bleue, beige et sable; elles s'obtiennent à partir des noire, marron et fauve. On fait intervenir ici un locus appelé (D), pour "Dilution", et un autre appelé (C), pour "Coloration".

La dilution est le fait soit d'un gène appelé "d", soit d'un autre tout à fait différent appelé "cch" (ch pour "chinchilla"). Tous deux sont récessifs, respectivement par rapport à "D+" et "CM-", allèles dominants présents chez les chiens à robes noire, marron ou fauve.

Le bleu dont on parle n'a rien à voir avec la dénomination "bleu" qui correspond à un mélange de poils noirs et de poils blancs donnant, à distance, une apparence bleutée (ex.: le Bleu de Gascogne). Il faut aussi le distinguer du gris: le chien bleu l'est dès sa naissance et sa truffe est bleu-noir. On trouve le bleu chez le Whippet, par exemple. Le chien à robe bleue possède le couple de gènes "d.d" (le chien noir est "D+.D+" ou "D+.d"); pour les gènes des locus B et E, il porte les mêmes qu'un chien noir.

Le beige est exactement au marron ce que le bleu est au noir. Le Braque de Weimar est beige.

Le sable va d'un fauve très pâle au blanc. Cette dilution peut, elle, être obtenue par deux voies: le chien est de génotype "cch.cch" ou "d.d". Cela dépend des races et le savoir n'a guère d'importance. Le degré d'éclaircissement dépend de gènes modificateurs que les animaux possèdent en plus ou moins grand nombre. Le Labrador biscuit ou ivoire et le Samoyède sont des chiens sable. Pour les gènes des locus B et E, ces chiens portent les mêmes que les chiens fauves.

b - Les robes à poils bicolores

Ces robes sont semblables au type sauvage: le poil est fauve ou sable à la base et foncé (noir, rarement marron) à l'extrémité. On parle de robes fauve charbonné ou sable charbonné. Elles sont appelées, entre autres, poil de sanglier, poil de lièvre, poivre et sel, gris fer, parfois grises, simplement. Les races concernées sont nombreuses: Tervueren, Griffon nivernais, Schnauzer, par exemple.

Un nouveau locus intervient ici: le locus "A", pour "Agouti" (rongeur américain). Les robes charbonnées sont déterminées par le gène "Ay" qui régit donc la répartition à peu près équilibrée de l'eumélanine et de la phaeomélanine sur le poil. Cette action vient compléter celles des autres locus; par exemple, outre "Ay", le chien sable charbonné de noir portera au moins un "B+", au moins un "E+" et "d.d" ou "cch.cch".

Il faut savoir que le gène dominant dans la série A n'est pas "Ay". Juste au-dessus de lui existe "As" qui donne le caractère uniforme aux robes sombres: un chien tout noir ou tout marron est ainsi porteur d'au moins un gène "As". Si ces chiens sont homozygotes "As.As", leur descendance sera de robe sombre uniforme quel que soit le partenaire de l'accouplement.

3 - Les robes dérivées

Les robes dérivées comportent deux ou trois types de poils de couleurs différentes,

a - Les robes unicolores

L'apparence unicolore est due au mélange intime des types de poils.

La robe la plus répandue est la grise. C'est la seule qu'il convient d'appeler ainsi. Le chiot naît noir et devient gris en grandissant du fait de la pousse de poils blancs; la truffe reste noire. Citons les exemples du Caniche gris et du Bedlington terrier.

Plus rares sont les robes dites grège et aubère, respectivement mélanges de poils blancs et marron et de poils blancs et fauves.

L'arrivée de poils blancs est due à un gène "G" situé au locus (G), pour "Grisonnement". Ce gène qui provient d'une lointaine mutation, est dominant par rapport au gène normal, originel, "G+" qui n'a pas d'action visible. Pour savoir ce que sont les gènes des autres locus, il faut se reporter simplement à la robe du chiot à la naissance, c'est-à-dire noire, marron ou fauve.

b - Les robes pluricolores

Les robes pluricolores sont formées par la juxtaposition de plages de couleurs différentes, blanc exclu.

b1 - Les robes fauves ou sable à manteau sombre

Ces robes sont très répandues: on se contentera de citer le Berger allemand pour le fauve à manteau et le Malamute pour le sable à manteau. Le manteau sombre (de noir à charbonné, le marron existant aussi) peut être réduit à une petite selle sur le dos ou, au contraire, aller jusqu'à l'envahissement de presque tout le corps; cette extension est, là encore, le fait de gènes modificateurs.

Proche de la robe fauve ou sable charbonné, la robe à manteau lui serait, selon certains auteurs, génétiquement identique. Retenons plutôt que le gène responsable, situé au locus (A), lui aussi, est "as" (s pour "saddle", selle en anglais). Du point de vue de la dominance, il se situe juste après "Ay".

b2 - Les robes sombres à marques fauves ou sable

Elles correspondent à la robe dite "noir et feu" et à sa variante "marron et feu", telles que rencontrées en race Dobermann. Ce type de robe se" caractérise par ses marques feu de faible étendue, très précisément localisées: lèvres, joues, paupières, gorge, poitrine, pieds, devant des cuisses, fesses, anus. Ceci permet à peu près toujours de la distinguer de certaines robes à manteau sombre très envahissant. De plus, les marques feu varient peu en étendue de la naissance à l'âge adulte.

Le gène responsable de la robe à marques feu se situe aussi sur le locus (A) et s'appelle "at". Il est récessif par rapport à tous les autres gènes du locus: tous les chiens présentant cette robe sont

donc de génotype "at.at"; ainsi, leur descendance, dans sa totalité, n'aura la même robe que si l'autre partenaire de l'accouplement porte celle-ci aussi.

b3 - La robe bringée et la robe à masque

Ces deux robes sont bien connues mais parfois difficiles à repérer quand bringeures ou masque sont discrets et que, de surcroît, le poil est long: il peut alors y avoir confusion avec une robe simplement charbonnée. Celle-ci n'est, par ailleurs, pas incompatible avec le masque alors que, normalement, le bringé masque le charbonné.

Génétiquement, l'origine de ces deux robes se situe au locus (E). La robe bringée est due au gène "ebr"; le masque, quant à lui, est dû au gène "Em" qui domine "E*"J mais pas "ebr", d'où la possibilité d'avoir des chiens à bringeures et masque: ils sont de génotype "Em.ebr". Bien sûr, "Em" et "ebr" ne peuvent s'exprimer quand le chien porte Ift^" puisque la robe est uniformément sombre! lîs peuvent le faire, par contre, avec les autres gènes de la série A; leur action est cependant discrète avec "at" (robe noire et feu).

b4 - Les robes bigarrées

Les robes bigarrées sont celles que l'on appelle Merle ou Arlequin. Leur particularité tient à l'existence de plages déchiquetées d'une certaine couleur sur un fond de la même couleur diluée: noir sur bleu, parfois marron sur beige, exceptionnellement fauve sur sable. Une dilution très forte allant jusqu'au blanc explique l'Arlequin.

Le gène responsable est le gène "M", situé au locus (M), la lettre M venant de "Merle", qui domine le gène normal "M+", sans action. Le génotype homozygote "MM" est connu pour être lié à des anomalies oculaires et auditives. L'action de "M" se superpose à l'action des gènes des autres séries.

4 - Les robes panachées

Ce sont toutes les robes qui portent une panachure, c'est-à-dire des taches blanches. On les dit pie, aussi Toutes les robes étudiées auparavant peuvent avoir une variante avec une panachure plus ou moins étendue.

Génétiquement, pour expliquer la présence de blanc, il suffit d'ajouter à l'action des gènes des locus précédents celles des gènes du locus (S). On en distingue quatre qui sont, par ordre de dominance décroissante: "S" (absence de blanc), "si" (très peu de blanc), "sp" (équilibre des plages blanches et colorées), "sw" (blanc envahissant). Toutes les panachures intermédiaires entre ces quatre types sont possibles grâce à l'action de gènes modificateurs. En pratique, cela signifie que l'on peut sélectionner assez facilement une certaine proportion de blanc dans la robe, voire une certaine forme des taches, mais qu'une marge d'aléas demeurera toujours. A l'extrême, on peut sélectionner des chiens blancs à partir de chiens de génotype "sw.sw", comme cela s'est fait en race Montagne des Pyrénées.

Voici, pour finir et pouvant servir d'exercices, des exemples de génotypes de robes dans quelques races:

Beagle-Harrier (fauve à manteau noir, et blanc): "as.as" - "B+.B+" - "C+.C+" - "D+.D+" - "E+.E+"

"G+.G+" - "M+.M+" - "sp.sp".

Bouvier bernois (noir marqué de fauve, et blanc limité): "at.at" - "B+B+" - "C+.C+" - "D+.D+" -
"E+.E+" - "G+.G+" - "M+.M+" - "slsi".

Labrador (noir uniforme): "As.As" - "B+.B+" ou "B+.b" - "C+.C+" - "D+.D+" - "E+.E+" ou
"E+.e" - "G+.G+" - "M+.M+" - "S+.S+"; (marron uniforme): identique sauf en série B où on trouve
"b.b"; (fauve uniforme): identique sauf en série E où on trouve "e.e", et en série B où on peut
trouver "b.b"; (sable uniforme): identique à fauve sauf en série C où on trouve "cckcch".

B - UN EXEMPLE DE CARACTERE QUANTITATIF : LA CROISSANCE

1              - Préambule

Le phénomène de croissance peut s'appréhender sous deux formes nécessairement complémentaires: la croissance pondérale et la croissance staturale.

La croissance pondérale correspond à l'augmentation de la masse et du volume corporels. C'est ce que l'anglo-saxon appelle "growth". Cette croissance s'achève quand masse et volume de l'organisme ont atteint un niveau défini, valeur moyenne caractéristique du groupe d'appartenance: espèce, race, souche.

La croissance staturale correspond à la croissance individuelle des organes et à leur croissance relative les uns par rapport aux autres, façonnant la morphologie et la composition corporelle spécifiques jusqu'à ce que l'état adulte soit atteint. C'est le "développement" des anglo-saxons.

2              - Paramètres génétiques

a - Croissance pondérale

Au sein d'une race, la variation des paramètres de la croissance obéit aux règles de la génétique quantitative. Le très grand nombre des gènes impliqués explique la variation continue des caractères "poids", "taille", "gain moyen quotidien", etc.. L'ampleur de la variation due aux facteurs génétiques va s'apprécier par l’héritabilité h2 (rappel: elle représente la part de la variation d'origine génétique dans la variation phénotypique totale observée, le reste de la variation étant dû aux effets du milieu de vie).

Le Chien a fait l'objet de peu de travaux sur l’héritabilité. Aussi, pour les caractères liés à la croissance, on cite surtout des valeurs d"héritabilité trouvées dans d'autres espèces. L'ordre de grandeur est souvent respecté entre espèces. Ainsi:

 

Caractère

h2 Chien

h2 Boeuf

h2 Mouton

h2 Porc

poids à la naissance

-

0,3

0,2

0,1

poids au sevrage

0,4*

0,2

0,3

0,1

poids adulte

0,4**

-

0,6

-

gain moyen par jour, après sevrage

 

0,35

0,2

0,3

* : sur 926 Bergers allemands (Reuterwall et Ryman, 1973, cités par Willis) ** : sur 201 Bergers allemands (Verryn et Geerthsen, 1987, cités par Willis) Réf. : M.B. WUlis - Genetics of thé dog (Ed. Witherby, 1989)

Les paramètres de la croissance pondérale semblent donc dotés d'une bonne héritabilité. Pour illustrer la définition donnée précédemment, h2 = 0,4 signifie que 40 p.cent des différences de poids observées entre individus ont une origine génétique. Ceci est à considérer sous réserve de

confirmation par d'autres travaux, les valeurs cThéritabilité étant très sensibles aux caractéristiques de la population étudiée et à la méthode de calcul utilisée.

b - Croissance staturale

Les paramètres de la croissance staturale sont encore moins connus chez le Chien que ceux de la croissance pondérale.

L'étude de Verryn et Geerthsen citée plus haut indiquerait de fortes héritabilités pour les mensurations, telles que 0,5 pour la taille (sans doute-la iiauteur au garrot) et 0,8 pour la largeur de poitrine. La seconde valeur est, à l'évidence, surestimée et la première peut-être aussi. Néanmoins, des valeurs moyennes à élevées sont plausibles compte tenu de ce qui est connu dans d'autres espèces, à savoir des niveaux de l'ordre de 0,4.

Evaluer par une note la conformation d'un animal, ou le situer par rapport à d'autres grâce à un classement, est aussi un moyen d'apprécier sa croissance staturale. Chez le Chien, cela renvoie à ce qui se pratique dans les concours de conformité au standard. On ne dispose pas de valeur d’héritabilité pour l'appréciation du Chien "sur pied", mais elle est sans doute peu héritable: en effet, l’héritabilité de la conformation des animaux de boucherie, pourtant relativement aisée à noter, n'excède guère 0,2. Si cela se confirmait, on pourrait en conclure que le jugement en concours est un indicateur plutôt médiocre de la qualité génétique "staturale" d'un chien...

IV - LES MALADIES GENETIQUES

A - LES MALADIES DUES A UN GENE RECESSIF

Trois cents maladies génétiques, environ, ont été recensées chez le Chien. Sur ce nombre, quelque 60% sont dues à un gène récessif.

1              - Des exemples

II faut se limiter à quelques exemples de maladies car, si beaucoup sont rares, il en reste quand même plusieurs dizaines qui sont assez courantes. Citons:

Atrophie rétinienne progressive généralisée

Cataracte juvénile héréditaire

Syndrome de l'oeil de Colley

Hémophilie de type A

Urolithiase du Dalmatien.

2              - Malades et porteurs

On retient que:

-              un individu malade porte le gène responsable en,.deux exemplaires: il est homozygote; en conséquence, chacun de ses descendants (s'il peut en avoir!) recevra obligatoirement un de ces "mauvais" gènes;

-              un individu d'apparence saine porte, au plus, un gène responsable de la maladie; il peut porter:

0 gène: cet individu est génétiquement sain et sa descendance n'a rien à craindre, bien sûr;

1 gène: cet individu est dit porteur sain et 50% de ses descendants recevront le gène indésirable tandis que 50% seront génétiquement sains (non porteurs).

Le principal inconvénient avec les maladies à gène récessif, c'est donc qu'il existe des individus d'apparence saine, mais porteurs du gène. Leur nombre peut être élevé. Ces individus sont responsables de la persistance des maladies dans les races touchées, malgré l'élimination des malades; ce sont même de dangereux propagateurs lorsqu'il s'agit d'étalons réputés.

Aussi est-il bon d'avoir une idée de l'importance relative des malades, porteurs sains et sains non porteurs dans une race où sévit une maladie à gène récessif. Cela permet d'apprécier le risque que l'on prend lors de l'utilisation d'un reproducteur extérieur à l'élevage ou lors d'un achat.

Distinguons trois cas-types:

-              maladie rare: malades = 0,1%

porteurs sains = 6% sains non porteurs = 94%

-              maladie assez fréquente:      malades =1%

porteurs sains = 18% sains non porteurs = 81%

-              maladie fréquente:    malades =10%

porteurs sains = 44% sains non porteurs = 46%

On peut donc dire que le problème devient sérieux dès que le pourcentage de malades atteint 1% et se révèle difficilement maîtrisable à partir de 10%!

3 - Résultats des accouplements

Soit m l'allèle responsable de la maladie (lettre m pour "maladie" et m minuscule pour rappeler que l'allèle est "récessif'). L'autre allèle que peut porter un animal sera désigné par S: c'est le gène normal (s pour "sain" et S majuscule pour préciser qu'il domine m).

Un individu peut donc porter l'un des couples de gènes suivants:

mm : il est alors malade;

mS : il est sain, mais en apparence seulement car porteur;

SS : il est sain, tant en apparence que génétiquement.

Sur ces bases, il y a 3 types d'accouplements possibles, d'un point de vue phénotypique, mais 6 d'un point de vue génétique. Il est important de savoir quelle sera la composition des portées obtenues dans chacun de ces cas.

Les résultats sont les suivants: cas n°l - Les deux parents sont malades:

parents accouplés:      * parent 1 = mm

*             parent 2 = mm

portée obtenue: ni 00% mm, donc tous les chiots sont malades!

cas n°2 - Un parent est malade, l'autre est sain (mais porteur):

parents accouplés:      * parent 1 = mm

*             parent 2 = mS

portée obtenue: n 50% mm

a 50% mS, donc une moitié des chiots est malade, l'autre est saine mais porteuse!

cas n°2 bis - Un parent est malade, l'autre est sain (non porteur):

parents accouplés:      * parent 1 = mm

*             parent 2 =SS

portée obtenue: n 100% mS, donc tous les chiots sont sains mais porteurs!

cas n°3 - Les deux parents sont sains (mais porteurs):

parents accouplés:       * parent 1 = mS

*             parent 2 = mS
portée obtenue: n 25% mm

a 50% mS

n 25% SS, donc un quart des chiots est malade, les trois autres quarts sont sains, mais une moitié est porteuse saine!

cas n°3 bis - Les deux parents sont sains (un porteur et un non porteur)

parents accouplés:      * parent 1 = mS

*             parent 2 = SS
portée obtenue: a 50% mS

a 50% SS, donc tous les chiots sont sains mais une moitié est porteuse saine!

cas n°3 ter - Les deux parents sont sains (non porteurs)

parents accouplés:      * parent 1 = SS

*             parent 2 = SS

portée obtenue: n 100% SS, donc tous les chiots sont sains!

Résumé des résultats

De ces 6 cas, on retiendra 3 faits qui résument les risques liés aux maladies à gène récessif:

-              la portée est souvent d'apparence saine ou en majorité saine, mais de nombreux chiots sont porteurs;

il suffit que l'un des deux parents soit sain non porteur SS pour que toute la portée soit d'apparence saine;

un parent porteur sain mS n'est détectable que si l'autre parent est aussi porteur sain mS ou, mieux (si l'on peut dire!), malade mm: des chiots malades risquent alors de naître.

4 - Conduite à tenir

Prévenir est la règle d'or car on risque de regretter pendant des années la faiblesse d'un instant. Cela passe par le choix draconien des reproducteurs qui constitue non seulement une pratique de salubrité pour son élevage, mais aussi une attitude responsable et honnête vis-à-vis de l'ensemble de la race.

Tout d'abord, le refus total d'utilisation d'un reproducteur malade doit apparaître comme une évidence, même si ce géniteur a, par ailleurs, des qualités exceptionnelles! Le non respect de cette attitude fut sans aucun doute à l'origine de la propagation de nombreuses maladies à gène récessif. H est vrai que cela soulève le problème des maladies qui se révèlent tardivement.

Ensuite, lorsque le reproducteur est d'apparence saine, l'examen minutieux de l'ascendance directe et collatérale, voire de la descendance si elle existe, s'avère indispensable: on ne doit retrouver aucun malade. Cette pratique est fastidieuse et souvent incomplète, mais on peut ainsi diminuer considérablement les risques, à défaut de les supprimer tout à fait.

S'il s'agit, par contre, de guérir le cheptel d'une maladie génétique, aux mesures de prévention strictement appliquées s'ajouteront des mesures d'élimination. Elles seront plus ou moins sévères selon les possibilités de disposer de sujets sains en remplacement. En priorité, on éliminera au moins les malades, bien sûr, puis leurs parents et, si on le peut, leurs frères et soeurs.

Dans la situation grave que représente l'assainissement génétique d'un élevage, comme d'une race, d'ailleurs, il y a toujours un compromis à trouver entre le souhaitable et le possible: éliminer 80% des animaux est inconcevable, en éliminer de façon timorée est inutile.

B - LES MALADIES DUES A UN GENE DOMINANT

Les maladies dues à un gène dominant représentent environ 10% des quelque trois cents maladies génétiques répertoriées chez le Chien.

1              - Des exemples

Quelques exemples de maladies connues permettent de fixer les idées:

Asthénie cutanée

Atrophie rétinienne progressive centrale

Cataracte juvénile héréditaire (différente de celle du chapitre précédent)

Anomalies liées au gène merle.

On remarquera qu'on retrouve ici, comme dans les maladies à gène récessif une atrophie rétinienne et une cataracte juvénile; même s'il y a quelque ressemblance des symptômes, il ne faut pas confondre les maladies car gènes et mode d'action des gènes diffèrent totalement.

2              - Malades et porteurs

Le danger génétique dépend du nombre de gènes porté par l'individu:

-              un individu malade porte, au moins, un gène responsable de la maladie, mais on ne peut savoir aisément si c'est un ou deux:

si c'est un seul (hétérozygotie), 50% de ses descendants recevront le gène indésirable et seront donc malades;

si c'est deux (homozygotie), tous ses descendants recevront obligatoirement ce gène et seront malades.

-              un individu d'apparence saine ne porte aucun gène de la maladie ... dans la majorité des cas, mais il faut retenir qu'il existe des individus qui portent le gène, le supportent bien et apparaissent sains (c'est le cas dans les trois derniers exemples de maladies).

Ainsi, on peut dire, en règle générale, que les porteurs sont aussi les malades. Ceci est donc tout à fait différent du cas des maladies à gène récessif où les porteurs d'apparence saine sont beaucoup plus nombreux que les malades: le risque est alors élevé de choisir un reproducteur apparemment sain mais porteur donc transmetteur de gènes indésirables. Ce grave inconvénient est limité pour les maladies à gène dominant.

3              - Résultats des accouplements

Soit M l'allèle responsable de la maladie (lettre m pour "maladie" et M majuscule pour rappeler que le gène est "dominant"). L'autre allèle sera appelé s: c'est le gène normal (s pour "sain" et s minuscule pour signifier qu'il est "récessif1 donc inhibé par M).

Un individu peut donc porter l'un des couples de gènes suivants:

MM : il est malade, porteur double

Ms : il est malade, porteur simple

ss : il est sain.

On peut, dès lors, envisager tous les types d'accouplements possibles et voir la composition des portées qu'il faut s'attendre à obtenir dans chaque cas. A l'inverse, la composition d'une portée permet de soupçonner ce que sont les gènes présents chez les parents.

En s'attachant à l'apparence des animaux (malades ou sains), 3 types d'accouplements sont possibles, mais cela correspond à 6 cas d'un point de vue génétique. Les résultats sont les suivants:

cas n°l - Les deux parents sont malades (porteurs doubles):

parents accouplés:      * parent 1 = MM * parent 2 = MM portée obtenue: n 100% MM, donc tous les chiots sont malades!

cas n°l bis - Les deux parents sont malades (un porteur double, un porteur simple):

parents accouplés:       * parent 1 = MM

*             parent 2 = Ms
portée obtenue: a 50% MM

n 50% Ms, donc tous les chiots sont malades!

cas n°l ter - Les deux parents sont malades (porteurs simples):

parents accouplés:       * parent 1 = Ms

*             parent 2 = Ms
portée obtenue: n 25% MM

a 50% Ms

n 25% ss, donc les trois-quarts des chiots sont malades mais un quart est sain!

cas n°2 - Un parent est malade (porteur double), l'autre est sain:

parents accouplés:      * parent 1 = MM

*             parent 2 = ss

portée obtenue: Q 100% Ms, donc tous les chiots sont malades!

cas n°2 bis - Un parent est malade (porteur simple), l'autre est sain:

parents accouplés:      * parent 1 = Ms

*             parent 2 = ss
portée obtenue: n 50% Ms

a 50% ss, donc une moitié des chiots est malade, l'autre est saine!

cas n°3 - Les deux parents sont sains:

parents accouplés:      * parent 1 = ss

*             parent 2 = ss

portée obtenue: a 100% ss, donc tous les chiots sont sains!

Résumé des résultats

En définitive, on peut retenir 3 caractéristiques majeures qui résument les risques liés aux maladies à gène dominant:

la portée est souvent malade ou en majorité malade, les chiots pouvant être porteurs simples ou doubles;

il suffit que l'un des deux parents soit malade MM pour que toute la portée soit malade;

un individu porteur est automatiquement détecté parce que  malade, dans la grande majorité des cas.

4 - Conduite à tenir

La prévention est toujours la priorité. Elle est facilitée, ici, car un porteur se dévoile en tombant malade, en général On exclut d'emblée, bien sûr, d'utiliser comme reproducteur un tel sujet, même s'il est excellent par ailleurs.

Si la maladie est précoce, s'exprimant avant la reproduction, la situation est très favorable. Le dépistage aisé des porteurs et leur non mise à la reproduction expliquent d'ailleurs que ce type de maladie a une fréquence souvent faible.

Si la maladie s'exprime tardivement ou pas du tout chez certains individus résistants, la situation ressemble à celle des maladies à gène récessif: ces sujets, d'apparence saine, pourront être retenus en toute innocence pour la reproduction et transmettre ainsi leurs gènes indésirables. Lorsqu'on sait ou qu'on soupçonne avoir à faire à une telle maladie, l'étude de la généalogie des sujets destinés à la reproduction est indispensable. Cependant, par rapport aux maladies à gène

récessif, le travail est plus facile car on retrouve généralement vite d'éventuels apparentés malades; il ne reste plus alors qu'à écarter de la reproduction les sujets concernés.

Il faut parler de politique de guérison à mener quand un géniteur d'apparence saine, mais porteur, a été utilisé et a produit des jeunes dont une partie, au moins, est contaminée. Normalement, le déclenchement de la maladie chez plusieurs ou même un seul produit va alerter. Il est alors de bonne précaution de ne retenir aucun chiot de la portée pour la reproduction et il convient, bien sûr, de ne plus utiliser le parent responsable. Celui-ci n'est d'ailleurs pas facile à désigner quand étalon et lice en sont à leur première portée. Une autre portée avec un partenaire différent permet habituellement de trancher.

Les maladies génétiques à gène dominant peuvent apparaître implacables puisqu'un seul gène suffit à les déclencher. Pourtant, on peut les contrôler plus facilement que les maladies à gène récessif car le dépistage des porteurs est, dans la majorité des cas, beaucoup plus aisé.

C - LES MALADIES DUES A PLUSIEURS GENES

L'assimilation une maladie - un gène est souvent faite. C'est méconnaître ou oublier un peu trop vite qu'on estime à environ 15 % la proportion de maladies génétiques déterminées par l'action conjointe de plusieurs gènes. Ces quelques 40 à 50 maladies, qui ne sont pas des moindres, ont une hérédité parfois déroutante.

On peut retenir l'hypothèse génétique suivante : pour que la maladie apparaisse, il faut que soit atteint un nombre minimal de gènes qui cumulent leurs effets néfastes. On peut penser que ces gènes ont des actions de dérégulation physiologique complémentaires déstabilisant le processus normal de construction d'un appareil ou d'un organe.

Par ailleurs, les conditions de vie de l’animal semblent intervenir dans l'apparition de la maladie, de façon essentielle dans certains cas, simplement favorisante dans d'autres. L'alimentation, en particulier, serait impliquée. Il est cependant extrêmement difficile d'éclaircir les mécanismes d'action.

1              - Des exemples

Quatre exemples suffisent pour illustrer le type d'affection auquel on a à faire, rappelant notamment combien ces maladies sont difficiles à appréhender:

Dysplasie de la hanche

Luxation rotulienne

Cryptorchidie

Anomalies dentaires.

2              - Malades et porteurs

Des origines précédemment évoquées, il ressort que:

-              un individu malade a, au moins, le stock minimal requis de gènes défavorables; on peut raisonnablement faire une hypothèse supplémentaire : le degré de gravité de la maladie est plus ou moins proportionnel au nombre de gènes que possède l'individu.

-              un individu sain peut porter des gènes défavorables, mais pas assez pour que la maladie se déclare.

-              un individu, sain ou malade, donne en moyenne la moitié de ses défavorables (comme de tous ses gènes, d’ailleurs) à chacun des ses descendants ; cependant, du fait du hasard, la répartition de ces gènes néfastes n'est jamais tout à fait équitable et "certains descendants en recevront bien plus, d'autres bien moins.

Ainsi, de nombreux animaux sains portent des gènes de maladie, généralement en nombre limité, mais transmissibles à la descendance et susceptibles de concourir au déclenchement de la maladie chez l'un ou l'autre des enfants.

3 - Résultats des accouplements

La dysplasie de la hanche est la maladie qui a été le plus étudiée et la seule que l'on puisse considérer comme assez bien connue. Aussi sera-t-elle prise comme exemple, ici.

Le déclenchement de cette dysplasie chez un chien semble subordonné:

au portage de gènes défavorables en nombre dépassant un seuil critique;

à une forte, voire trop forte croissance;

-              à une disproportion entre l'intensité de l'exercice demandé au jeune et son développement musculaire.

On retrouve donc là l'action conjointe de gènes de disposition et de certaines conditions de milieu.

En faisant la synthèse des nombreux travaux réalisés sur la dysplasie de la hanche, on obtient des résultats qui peuvent servir de modèle pour mieux comprendre les maladies dues à plusieurs gènes. Attention, il est bien dit " modèle" car il n'est pas question de transposer les chiffres qui vont suivre à toute autre maladie, d'autant plus qu'ils varient selon les races et les pays.

Cas n°l - Les deux parents sont malades:

on constate que 80% des chiots sont malades, 20% sont sains.

Cas n°2 - Un parent est malade, l'autre est sain:

on constate que 50% des chiots sont malades, 50% sont sains.

Cas n°3 - Les deux parents sont sains:

on constate que 30% des chiots sont malades, 70% sont sains.

Avec une certaine prudence, on peut avancer aussi que la proportion de chiots malades et le degré moyen de gravité chez ceux-ci sont influencés positivement par le degré d'atteinte du ou des parents malades.

Résumé des résultats

En définitive, la transmission des maladies dues à plusieurs gènes se caractérise par deux traits:

les portées sont couramment composées de chiots malades et de chiots sains;

la proportion moyenne de chiots malades dans une portée augmente selon qu'il y a 0,1 ou 2 parents malades.

NB: ces deux données ont un sens statistique, c'est-à-dire qu'elles se vérifient sur un grand nombre de portées mais pas forcément sur quelques unes.

4 - Conduite à tenir

Les principes généraux ressemblent à ceux retenus pour les maladies dues à un seul gène. Cependant, la présence de plusieurs gènes qui accroît la complexité de la transmission des maladies amène souvent à nuancer ces positions.

En matière de prévention, la règle demeure d'utiliser des reproducteurs sains pour maintenir le bon statut sanitaire de son cheptel. Règle de bon sens qui s'impose d'autant plus que la race compte un faible pourcentage de malades et que les origines saines ne manquent donc pas.

La connaissance de l'ascendance est toujours précieuse pour statuer sur le risque de portage d'un candidat à la reproduction. Cependant, la présence d'un ancêtre malade peut s'admettre s'il est assez lointain pour que son effet défavorable ait été "dilué" par les autres ascendants.

Si un descendant est malade quand les parents sont tous deux d'apparence saine, cela ne jette pas forcément le discrédit sur ceux-ci: il faut se souvenir que des individus sains peuvent porter des gènes défavorables en petit nombre et que le hasard (la malchance, en l'occurrence) peut en assurer une distribution très inégale dans la descendance. Par ailleurs, certaines conditions de vie inadéquates sont susceptibles d'entraîner l'apparition de la maladie chez des sujets qui auraient normalement pu y échapper.

Quand le cheptel est atteint, il faut engager une longue politique d'assainissement. La présence d'animaux malades indique que le stock de gènes défavorables par animal est, en moyenne, trop élevé dans l'élevage. Faire baisser ce stock moyen est donc le but.

S'il est possible de n'utiliser, comme pour la prévention, que des reproducteurs sains, c'est parfait: apportant peu pu pas de gènes néfastes, ils auront un rôle de "dilution" dans l'élevage et le stock moyen de gènes indésirables par chien baissera effectivement. Dans bon nombre de cas, quand la race est fortement touchée et les origines saines peu nombreuses, cela est difficile: il faut alors accepter des géniteurs malades mais peu atteints. Par contre, il faut éliminer tout sujet sévèrement touché, même s'il est remarquable par ailleurs. Les choses allant en s'améliorant, l'éleveur sera de plus en plus exigeant dans le choix des géniteurs, jusqu'à ne plus admettre, à terme, que des sujets sains. Il faut savoir qu'il y aura des hauts et des bas et que l'on aura souvent l'impression de stagner.

Ici, le maître mot est progressivité; la patience est donc de rigueur! La discipline collective aussi, d'ailleurs, car un élevage parfaitement consciencieux, mais oeuvrant de façon isolée au sein d'une race où règne le laisser-aller, aura peu de chances de tirer son épingle du jeu.

V - BASES DE L'AMELIORATION GENETIQUE RAISONNEE CHEZ LE CHIEN

Les méthodes d'amélioration génétique chez le Chien n'ont rien d'original par rapport aux autres espèces domestiques. Par contre, l'usage que l'on peut faire de chacune d'elles est bien différent. Cela tient d'abord à la structure de l'élevage canin, composé de nombreux petits cheptels, mais relève aussi d'une organisation collective relativement faible de la gestion génétique, pour la plupart des races. La situation se caractérise donc par un travail d'amélioration génétique essentiellement individualiste.

A - LES CARACTERES A AMELIORER

On ne s'engage pas dans une entreprise d'amélioration génétique sans savoir très clairement ce qu'on désire améliorer. Cela peut apparaître comme une évidence, mais l'expérience prouve que cette réflexion préalable n'est pas toujours menée à bien. Il faut surtout se donner des priorités en retenant un petit nombre de caractères sur lesquels l'effort portera; si ce travail n'est pas bien fait, on perdra du temps en courant trop de lièvres à la fois. Il faut aussi classer ces caractères pour définir "les priorités des priorités"; cela aussi est indispensable: il faut se fixer une ligne de conduite et s'abstenir de changements de cap en privilégiant un jour ceci, un autre jour cela.

Quand les caractères à améliorer sont définis, encore faut-il savoir ce qu'on peut espérer comme progrès. Pour cela, il convient de se souvenir, tout d'abord, qu'il existe deux catégories de caractères: les caractères dits qualitatifs et les caractères dits quantitatifs.

Les caractères qualitatifs sont commandés par une paire de gènes. Les améliorer consiste, dans la quasi-totalité des cas, à obtenir l’homozygotie désirée. Mettant en jeu si peu de gènes, ces caractères sont généralement faciles à fixer; il en va ainsi du type de pigment (noir, marron ou rouge) ou de texture (dure ou souple) du poil. Encore faut-il savoir, au départ, quels sont les gènes en cause, donc faire l'effort de se renseigner si ou l'ignore! Les déterminismes génétiques sont aujourd'hui bien connus.

Les caractères quantitatifs sont commandés par de nombreux gènes. L'amélioration génétique va donc consister à accumuler les gènes qui agissent dans le sens souhaité. Ce travail d'accumulation est plus ou moins rapide selon les caractères: assez rapide pour les traits morphologiques, le format

ou les nuances de couleur, lent à très lent pour les qualités de travail ou d'élevage. La connaissance génétique de ces caractères est, à l'heure actuelle, encore imparfaite.

B - LES METHODES

1              - La sélection

Etymologiquement, sélectionner (du latin "seligere"), c'est choisir. Il n'y a pas d'ambiguïté: tout le savoir-faire de l'éleveur réside dans sa capacité à discerner, dans un cheptel ou dans l'ensemble de la race, les sujets pourvus du plus haut niveau de qualité pour les caractères recherchés. Malheureusement, ce que montre l'animal (le phénotype) n'est pas forcément l'image de ses aptitudes génétiques (le génotype), c'est-à-dire de ce qu'il transmettra à ses descendants. Quand l'image est bonne, le progrès génétique peut être rapide, quand elle est mauvaise, il sera lent; cela dépend des caractères (cf alinéa précédent).

La pratique consiste donc à accoupler les meilleurs pour quelques caractères avec les meilleures pour les mêmes caractères. Mais, attention, il s'agit des meilleurs pour soi, selon les objectifs que l'on s'est fixé au départ; ce ne sera pas forcément le point de vue d'un autre éleveur ... ou d'un juge. Ainsi, la sélection peut-elle constituer la base de l'amélioration génétique d'un cheptel; elle représente un socle qui se consolide lentement mais sûrement. Une autre méthode d'amélioration peut alors être utilisée pour potentialiser les résultats: croisement ou consanguinité.

2              - Le croisement

On parle de croisement lorsqu'il y a accouplement entre des géniteurs de races ou de variétés différentes. On recherche l’éloignement génétique. En parler comme moyen d'amélioration d'une race ou d'une variété est donc paradoxal, surtout chez le Chien dont races et variétés sont plutôt homogènes génétiquement. Néanmoins, dans un sens élargi, on acceptera de parler de croisement intra-race ou intra-variété quand il s'agira d'allier des courants de sang. Qu'on ne se méprenne pas, cependant: si éloignés qu'apparaissent deux courants de sang pour un cynophile, ils sembleront toujours proches l'un de l'autre pour le généticien.

On attend du croisement qu'il combine, d'une part, les qualités de deux courants (ou familles ou lignées), d'autre part, qu'il apporte un "plus" par ce que l'on nomme la vigueur hybride (ou hétérosis). Le premier but a des chances d'être atteint si l'on connaît parfaitement qualités et défauts des grands courants de sang et si l'on sait où en trouver d'excellents représentants. Le second but est l'objet de très grands aléas car fonction de l'éloignement génétique des reproducteurs accouplés, ce dont on n'a guère idée, normalement, et du réassortiment des gènes parentaux chez les chiots, auquel le hasard préside. Dans de telles conditions, prédire la valeur d'un produit de croisement est du domaine du pari.

Une telle politique d'amélioration par le croisement ne se conçoit que dans deux situations, très différentes l'une de l'autre:

soit on cherche le sujet de haut niveau, à obtenir le plus vite possible, qui sera un compétiteur mais, sauf exception, pas un géniteur (il est assez fortement hétérozygote); la réussite passe par l'expérience et la chance;

soit on veut créer un nouveau courant en en alliant deux, choisis judicieusement; c'est un travail difficile et de longue haleine où la sélection retrouve sa place.

3              - La consanguinité

La consanguinité, tout le monde le sait, correspond à l'accouplement d'individus apparentés. On distingue classiquement la consanguinité étroite, soit trois degrés de parenté au plus entre les géniteurs concernés (niveau neveu-oncle, par exemple), et la consanguinité large, de quatre à six degrés de parenté; au-delà, elle devient négligeable.

Avec la consanguinité, on vise une évolution génétique plus rapide qu'avec la simple sélection, vue précédemment. En effet, non seulement on choisit de bons sujets, si possible les meilleurs, mais le choix se fait au sein d'une famille: les individus retenus pour reproduire seront donc génétiquement proches, ce qui facilitera la concentration des gènes à l'état homozygote chez les produits, donc la fixation des caractères. Bien sûr, ces caractères pourront être ceux recherchés aussi bien que d'autres, indésirables. Tous les caractères récessifs, masqués chez les parents, sont ainsi susceptibles de refaire surface. A ce propos, on a tous en mémoire les maladies génétiques, mais cela est vrai aussi pour quantité de caractères dits ataviques, souvent admis à une époque plus ou moins lointaine et rejetés aujourd'hui. Pour minimiser ces inconvénients, il faut impérativement se faire la meilleure idée possible du patrimoine génétique des reproducteurs; l'étude de la parenté est alors incontournable: descendants d'abord, s'il y en a déjà, frères et soeurs, ascendants (trois générations, au moins).

La consanguinité n'est pas la panacée. Elle ne dispense pas d'un travail de sélection classique, mené à long terme. Elle viendra au bon moment pour potentialiser celui-ci, c'est-à-dire quand on aura obtenu de bons sujets dont on aimerait fixer le type. Alors, on pratiquera une ou deux générations de consanguinité étroite, ou trois ou quatre de consanguinité large, assorties d'une sélection très rigoureuse. Selon le résultat, on poursuivra encore un peu ou on réalisera une ouverture génétique avec un sujet proche du type recherché. Tôt ou tard, il faudra faire cette ouverture car la consanguinité va, peu à peu, réduire la diversité génétique dans le cheptel, ce qui pourra conduire à un "cul-de-sac évolutif1, autrement dit à un type incapable d'évoluer. De plus, pratiquée trop longtemps, il est indéniable que la consanguinité a des effets délétères sur les facultés de reproduction et de résistance.

On peut suivre l'évolution de la consanguinité dans un cheptel grâce au coefficient de consanguinité des animaux. Celui-ci informe sur la baisse d"hétérozygotie du génome. La méthode de calcul ne sera pas présentée ici, mais il importe de connaître certaines valeurs. Elles vont de 0 à 1. Un coefficient de 0 correspond aux animaux non consanguins; un coefficient de 1 correspond à des animaux homozygotes à tous les locus, situation que l'on atteint après une dizaine de générations d'accouplements frère - sœur et que l'on n'observe que chez les rongeurs de laboratoire. On considère qu'un coefficient de consanguinité de 0,25 ne doit pas être dépassé pour un individu; c'est le coefficient du produit d'un accouplement frère - sœur ou parent - enfant.

En résumé, la méthode d'amélioration génétique de base chez le Chien est la sélection. Croisement et consanguinité ne peuvent venir qu'en superposition pour en amplifier les effets. Cependant que la sélection crée le progrès génétique, croisement et consanguinité permettent d'en "rajouter" à court terme. Aucune de ces méthodes n'assure le succès, mais celui-ci vient plus sûrement chez l'éleveur qui en connaît les qualités et les limites.

 

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